III. 4.

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Chapitre 4 : Le miroir des autres

CAMILO

En réalité, je n'avais jamais aimé rester seul dans le noir. La nuit tombait rapidement, je me sentais presque englouti par elle, dès que je fis mes premiers pas dans cette partie de forêt dense.

Au début, je ne voulais pas ne rien faire et je détestais l'idée qu'on me prenne pour un trouillard. Si Mirabel et les jumeaux étaient capables d'aller chercher du bois pour le feu dans cet enfer sans nom, je devais pouvoir le faire aussi !

J'avais peur, Sofía était là, parfaitement sereine. J'admettais que je devais être un peu jaloux de son aisance à simplement se pencher, tâter les branches et s'emparer de ce qui était assez sec pour s'embraser. Comme je n'avais pas ce même courage, elle finit par récolter le bois et me demanda de tendre les bras.

— Tu n'étais pas obligé de venir si tu n'en avais pas envie, murmura-t-elle pour que personne ne l'entende.

— Je n'allais pas te laisser toute seule, rétorquai-je.

— Là, c'est moi qui ai pitié de te laisser tout seul, m'attaqua-t-elle.

Pour me venger, alors qu'elle se penchait pour ramasser quelques brindilles, je laissai le bord de mon ruana courir sur sa nuque, elle sursauta.

— Un truc me grimpe sur le cou ! me cria-t-elle.

— Sans doute un gros cafard, plaisantai-je.

— Enlève-le, enlève-le !

Malheureusement pour moi, la jeune fille m'entendit rire. Je ne savais pas trop comment elle faisait ça, mais elle distinguait les moments où je me moquais simplement d'une situation ou quand j'en étais responsable. Mon éclat de rire avait vendu la mèche, en somme.

— C'est toi, le vilain cancrelat ! m'accabla-t-elle.

— Alors là, je te trouve très dure, essayai-je de tempérer.

J'avais besoin de me réconforter avec ce que j'avais sous la main : rire me détendait, même si c'était aux dépens des autres. Soudain, Esteban en contrebas, car nous étions tout de même à flanc de montagne, découvrit un terrier. Par n'importe quel terrier, non ! Celui d'une tarentule. Et ce taré se mit en tête de l'attraper.

Réflexe primal, mais dénué d'intelligence, je reculai à grandes enjambées, puis me mis à courir quand il se mit à poursuivre les filles avec la bestiole au bout d'une pique.

Je ne m'éloignais pourtant pas très loin, mais ce fut suffisant pour me perdre. Je tenais toujours le bois dans mes bras, comme à une bouée de sauvetage, mais nulle âme qui vive à l'horizon. Je n'avais jamais été défaitiste, mais je n'avais jamais été aussi peureux de toute ma vie non plus, alors je supposai que c'était lié. L'angoisse accéléra ma respiration, si bien que je dus prendre un moment pour me reposer. Je m'appuyai contre un tronc et tentai de me réconforter : ils n'allaient pas me laisser là.

N'est-ce pas ? N'est-ce pas ?

Après tout, je n'étais pas une grande perte, pour eux. Tout ce que j'étais capable de faire, c'était le mariole pour amuser la foule. Je n'étais pas véritablement utile comme ma mère ou comme Luisa. Même Mirabel, sans pouvoir, était bien plus agile que moi de ses dix doigts et cousait comme personne. De quoi étais-je vraiment capable, dans le fond ?

Plus le noir m'engloutissait, plus la torpeur me dévorait. Je me recroquevillai sur mon tas de bois, attendant la mort, certain que nul ne viendrait me chercher. Quand, soudain, j'entendis une voix, rejointe par d'autres voix. On m'appelait.

Entrelacs Verts ÉmeraudeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant