6. Les tours joués avec tant de détours
SOFÍA
Bla, bla, bla... Les éternels discours d'Arieta.
C'était toujours la même rengaine : faire attention, se protéger, tout surveiller. Même si elle nous avait promis de rester ici aussi longtemps que possible, elle agissait encore comme si nous devions prendre armes et bagages et disparaître dans l'heure. Comme à chaque fois, nous n'étions pas considérés comme des habitants, mais plutôt des êtres de passage.
J'avais troqué mon bandeau habituel pour un cache-œil blanc, tenu par des rubans irisés de couleur orange. Mon objectif était d'accorder un peu cette partie de moi à ma robe de la même teinte. Je n'avais jamais eu l'occasion de me maquiller. J'étais petite quand j'avais perdu mon œil et ceci m'empêchait d'évaluer en détails les distances, les reliefs... Pourtant, j'enviais la coquetterie des filles de mon âge.
Je me dirigeai vers le buffet. J'avais faim. Je croisai Félix en chemin qui me servit un peu de guide pour découvrir toutes les spécialités qui se trouvaient sur les tables. Je devais bien admettre que c'était pratique. Il me poussait à prendre de tout dans une assiette.
— Mais, vas-y, mange ! me disait-il à chaque plat.
— Merci, mais je ne peux pas me servir autant en une fois.
— Et pourquoi pas ? rit-il.
— Je crois que j'ai été trop bien élevée.
Pepa tempéra son mari, sans doute comme elle faisait en sorte de se tenir elle-même. J'en profitai pour la complimenter : c'était partiellement pour elle, cette fête, après tout. Son plus jeune fils était introuvable, mais les deux plus âgés, eux, ne perdaient pas une miette de notre conversation.
— Finalement, vous avez convaincu Arieta de venir, à ce que je vois ! s'extasia la rousse. Elle a l'air ravi.
— Franchement, ça n'a pas été facile, avouai-je. Elle est tellement bornée ! Il y a des jours, j'ai envie de... Partir en courant et ne plus revenir. Elle m'énerve !
— On est tous comme ça avec les parents, quand on grandit, finit par s'immiscer Dolores.
— Sauf qu'Ari n'est pas ma mère, objectai-je.
— Elle s'occupe de toi et elle t'aime, insista Félix.
— D'accord, dis-je le pointant du doigt. Elle s'occupe de moi, oui, mais quant à m'aimer... Très sincèrement, je ne pense pas qu'Arieta puisse aimer autre chose qu'une machine.
Cela eut le mérite de faire rire Camilo, mais pas le reste de sa famille.
— Elle l'exprime peut-être mal, me calma Pepa, mais j'ai vu le regard qu'elle pose sur ton frère et toi. C'est le regard d'une mère. Garde-le en tête, tu veux bien ?
— Compte tenu de la soirée exceptionnelle, déclarai-je, et que c'est toi qui me le demandes, j'y consens. Je ferai attention. Même si, dans le fond, je suis persuadée d'avoir raison.
— Bon, tu arrêtes de tirer la tête, maintenant ! décida Camilo. Allez, viens, on t'emmène.
Il m'invita à le suivre de la main et, tandis qu'il s'éloignait, j'interrogeais ses parents du regard. Ceux-ci ne m'offrirent aucune réponse, alors je me joignis au garçon.
— Où tu veux aller ? l'interrogeai-je.
— Tu ne souhaitais pas continuer à parler d'Ari, alors je t'ai sorti de là.
— Ce n'est pas que je ne souhaitais pas, me défendis-je, c'est juste... Je ne sais pas... Depuis quelques semaines, j'ai l'impression qu'on en vient souvent à se disputer sans raison. Parfois pour des bêtises !
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Entrelacs Verts Émeraude
FanfictionDans un moulin abandonné depuis quelque temps déjà s'était installée une curieuse femme et deux ados. Les nouveaux venus étaient rares à Encanto, mais les femmes qui ne possédaient pas d'ombre étaient plus rares encore ! Et qu'elle montre un intérê...