V. 2.

18 5 0
                                    

2. Quand ils se rouvrirent, ses iris étincelaient de vert

ARIETA

Je pris peur en entrant. Non pas dans le sens premier auquel on pourrait s'y attendre, toutefois. C'était surtout parce que rentrer dans la chambre de quelqu'un, cela signifiait aussi de pénétrer dans l'intimité de cette personne. Une chambre, c'était un havre de paix, un endroit où on était soi, qui reflétait l'âme de son habitant.

Dans cette maison, cela prenait davantage de sens, puisque ces pièces étaient effectivement à l'image des pouvoirs de son occupant. Bruno qui m'invitait à entrer, c'était comme le pousser à se mettre à nu, en fin de compte. Je fus tout à coup gênée par ma demande. Et pourtant, si la situation n'était pas si grave...

Je me ressaisis et passai la porte. Je remarquai que mon ami non plus, ne souriait pas. Cela ne devait pas l'enchanter, de replonger dans ce qu'il répudiait à faire. Je culpabilisais de lui avoir imposé une telle corvée.

Les lieux étaient pour le moins impressionnants, les murs ciselés et richement décorés. Un lit trônait dans un coin de la pièce principale, où une opalescence verte et chaleureuse investissait les lieux. Au-dessus de ma tête : la tour s'élevait haut, très haut, je ne pus m'empêcher de trouver cela étonnant.

— Qu'est-ce qu'il y a, là-haut ? me renseignai-je.

— Avant, j'étais... Je dormais là-bas, éluda mon potentiel sauveur. Quand on a rebâti la maison, on ne s'est plus encombré d'autant de marche et... Enfin, il n'y a plus rien de bien intéressant, là-haut.

Le sable oublié dans l'ombre de la pièce était frais et je pris plaisir à m'enfoncer dedans. Un rat courut entre mes jambes et je retins un cri de surprise, mais Bruno l'entendit tout de même.

— Ils ont un peu investi les lieux, s'excusa-t-il. Il ne faut pas les craindre, d'ailleurs, contrairement à ce que l'on pense...

— Les rats sont des animaux très propres, complétai-je. On en a eu trois ou quatre dans une ferme où je suis restée quelques années. Ils sont aussi particulièrement intelligents.

Je tournai sur moi-même, ne remarquant aucun meuble trop luxueux, pas de fioritures, autres que les entrelacs en bas-reliefs sur ces murs.

— Ce n'est pas très joli, lança-t-il comme une excuse, mais... J'ai jamais personne non plus, ici.

— Non, c'est sobre, c'est pratique. J'aime assez. Je... Je peux faire quelque chose pour t'aider ?

— Tu peux attendre ici.

Il me prit délicatement par les épaules et me positionna au centre du cercle qu'il venait de tracer. Comme il me faisait face, je pris un moment pour le contempler de près. Je souhaitais me souvenir de chaque détail de lui, car je savais que la situation critique ne s'arrangerait pas miraculeusement, qu'il me faudrait le laisser un moment.

— Ari, me ramena-t-il à la réalité, tu peux t'asseoir si tu préfères.

— Navrée, je... j'étais ailleurs.

Je pris place et il s'installa devant moi. Je n'osai intervenir, de peur de l'interrompre. Je n'imaginais pas que cela lui demandait tant de préparation, ce constat me dit me sentir davantage coupable : j'en avais trop demandé.

— Je tiens à préciser que je ne maîtrise pas ce que je vois, indiqua-t-il. Nous n'aurons peut-être pas les réponses à ce que tu cherches.

— Je sais, ce n'est rien. Rassure-moi, tu es conscient de ce qui t'entoure ? Je veux dire... Tu seras toujours avec moi, n'est-ce pas ?

Entrelacs Verts ÉmeraudeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant