V. 9.

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9. Ramenez-le à la table où je l'ai convié

BRUNO

Sofía vint me trouver au moment où le rituel d'Arieta allait commencer.

— Je sais que tu ne chercheras pas à l'aider, commença-t-elle, que tu es fâché contre elle, mais... Moi je veux aider. Sauf que je ne sais pas si je vais y arriver toute seule. Je ne sais pas combien de temps ça va durer...

— Tu veux que je reste près de toi dans le cercle ? essayai-je de comprendre.

— Ça... ça ne t'embête pas ? s'assura-t-elle avec une peur dans le regard.

Cette forme d'inquiétude, je ne la connaissais que trop bien. C'était ce qui arrivait quand on était tiraillé par un manque flagrant de confiance en soi.

— Je resterai avec toi, lui assurai-je, même si je ne doute pas que tu t'en sortiras très bien.

Elle m'attrapa la main et ne la lâcha plus du tout, même lorsque nous nous mîmes à notre poste. Autour du plus grand cercle s'aligna le reste de notre famille, avec plusieurs personnes chargées d'alimenter des petits feux changeant le dôme de fumée.

— Au fait, murmurai-je gentiment, je ne suis pas fâché contre Arieta. Je suis juste triste, mais pas en colère. Elle m'a blessé, mais ce n'est pas pour ça que je ne vais pas lui venir en aide.

Elle me fit les yeux ronds.

— Tu l'aimes toujours alors ?

Je fus tellement surpris par sa réflexion que ma gêne se transforma en une soudaine quinte de toux. Rouge écrevisse, j'eus du mal à me reprendre. Que pouvais-je dire à cela ?

— D'accord, je prends ça pour un « oui » que tu n'admettras jamais ! me nargua la jeune fille en se concentrant sur ses pouvoirs.

Sofía, Marco et moi étions les seuls dans le cercle. Les seuls qui allaient véritablement être spectateurs de chaque étape du rituel. D'abord, suite à quelques incantations, il fallait séparer l'ombre d'Ari, encore une fois, incantations issues surtout de la Santoria*. C'était un homme d'Église, cela me semblait logique qu'il passe par cette voie.

— Tu sais ce qui t'attend... chuchota l'homme en prévention.

— Vas-y, finis ce que tu as commencé, le poussa sa sœur. Peut-être que, maintenant, je vais m'y habituer.

Comme prévu, l'ombre d'Arieta se sépara une nouvelle fois de son corps, sous les murmures du prêtre, mais les cris de l'inventrice me fissurèrent le cœur. C'était comme si on lui arrachait ce qu'on venait pourtant de lui rendre. Au début, elle geignit, suppliant de revenir en arrière. Puis, vu que cela ne s'arrêtait pas, elle hurla sa douleur, si bien que je dus tenir Sofia pour qu'elle ne rejoigne pas sa mère de substitution. Soudain, Arieta jura, longtemps, elle n'avait jamais été aussi vulgaire, à se demander si c'était vraiment elle que nous avions en face de nous.

Elle se roulait à présent dans cette boue moite, au sol, comme si on la torturait. Non, on la torturait.

— Ça va la tuer ! cria la jeune fille. Arrêtez, ça va la tuer !

— Elle savait ce qu'elle encourait, dit Marco. Silence, maintenant !

L'ombre s'inséra progressivement dans l'anneau. Quand ce fut fait, le curé actionna le bouton pour sceller le réceptacle. Pour ma part, je n'avais d'yeux que pour celle que j'aimais malgré tout. Elle était amorphe, les yeux dans le vide, à regarder le ciel, à chercher ce qu'il venait de se passer. Respirait-elle seulement ?

Entrelacs Verts ÉmeraudeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant