IV. 8.

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8. Comme on regrette toujours le douloureux moment des adieux

LUISA

Il venait toujours un moment où les choses s'assombrissaient, où les couleurs devenaient plus mornes. Comme sur les coteaux de Santa Obstacùlo, lorsque les nuages se mirent à planer tout à coup, couvrant le soleil.

Nous étions installés ici depuis plusieurs jours, nous commencions même à nous demander si on allait repartir un jour. Je ne souhaitais pas la mort du vieil homme dont Arieta s'occupait, mais, tout de même, pour un mourant, il tenait bon.

Nous avions gardé des provisions de ma mère : des biscuits. L'habitante du moulin nous avait demandé de les mettre de côté, que nous les mangerions sur le chemin du retour. J'étais convaincue que c'était parce qu'elle avait peur, peur de nous voir tomber malade à notre tour. Ari, elle se souciait toujours du bien-être de tout le monde, bien plus encore de tìo Bruno, mais ça, elle ne l'admettait pas encore.

Quant à Sofìa, ses progrès devenaient impressionnants. Même si son premier succès l'avait beaucoup affectée, elle n'avait pas abandonné. Nous l'encouragions dans ce sens : c'était une réussite, une victoire. Éprouvante, mais une victoire tout de même. Elle n'en était que plus méritante d'y être parvenue.

Aujourd'hui, nous lui avions demandé de se reposer un peu. Je riais sous cape quand j'entendis Mirabel lui réclamer de faire la grasse matinée et de lui apporter tout ce qui faisait envie à la jeune fille. N'avais-je pas déjà entendu le même discours à mon sujet ? Parfois, il fallait s'arrêter, je l'avais appris à mes dépens. Actuellement, j'écoutais mieux mon corps, ou plutôt, ma famille me rappelait, plus gentiment, de le faire.

Pratiquement toutes les filles avaient décidé de faire un tour dans les collines, de se balader, comme de vraies vacances. Pour ma part, j'avais dans l'idée de terminer la bergerie. Souvent, Arieta apportait de nouvelles idées, je me contentais juste de les entendre et de les reproduire. J'aimais bien voir son sourire quand elle voyait ses schémas prendre vie. Exceptionnellement, Esteban vint me tenir compagnie.

Tenir compagnie était un bien grand mot, en réalité, c'était plutôt se caler dans un coin pour dessiner toute la journée. Je ne lui en voulais pas : il avait beaucoup de créativité et cela faisait longtemps qu'il n'avait plus pris le temps de réaliser quelques esquisses. C'était en tout cas ce qu'avait affirmé ma petite sœur. Et puis, nous voulions laisser mon oncle un peu seul avec l'inventrice. Ils se rapprochaient de plus en plus et nous espérions que, plus ils passeraient du temps tous les deux, plus vite il se passerait quelque chose.

Même moi, j'avais fini par comploter avec les autres pour que cela arrive. En réalité, j'appréciais Arieta, autant que ses enfants d'adoption. S'ils devenaient tous des membres de notre famille, cela ne me dérangeait pas. Ils seraient faciles à vivre.

Je posai mon chargement et partis chercher un peu d'eau : nous avions une fontaine directement près de la grange, avec une eau potable et fraiche. Esteban était assis un peu en contrebas, en train de dessiner des papillons.

— Tu devrais boire, toi aussi, lui conseillai-je. Et évite de rester en plein soleil, tu vas avoir une insolation.

— J'ai déjà bu.

— Bois encore un peu.

Il céda à ma demande et me rejoignit.

— Ce n'est pas de l'autorité, ça, s'agaça-t-il.

— Pourtant, tu as obéi, l'embêtai-je.

— Je suis décidément trop docile, soupira-t-il.

Il semblait perdu dans ses réflexions. Je l'en tirai, un peu inquiète d'être la cause de sa torpeur.

Entrelacs Verts ÉmeraudeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant