II. 7.

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7. L'ouverture de deux cœurs oubliés dans une étreinte

BRUNO

— Exactement, dit-elle en riant. Je peux te demander quelque chose ?

— Ce que tu veux.

Je n'hésitais même pas.

— Ne réponds pas si tu n'en as pas envie, mais... Ce don que tu as, commença Arieta. Comment tu le gères ? Je veux dire... Comment tu tempères les moments où il faut t'en servir ou non ?

— Oh, ça, murmurai-je. Je... Je ne m'en sers presque jamais, c'est bien simple.

— Ça n'arrive pas de façon inopportune ?

Je sentais ses doigts s'agripper à moi et cela me donna assez de force pour poursuivre les explications. Dans ses yeux, je ne voyais aucune méchanceté, aucun jugement. Au contraire, j'adorais cette frimousse débordant de sincérité autant que de curiosité. Même si le sujet ne me plaisait pas tant, c'était une joie de pouvoir parler de moi avec elle, car elle était intéressée par ma personne, et non pas effrayée.

— Ce n'est pas comme ça que ça marche, lui dis-je. J'ai besoin de préparation, d'un rituel précis. Et même en respectant toutes ces conditions, les résultats que j'obtiens sont parfois très flous, brouillons... C'est parfois totalement inutile. De temps en temps, c'est le contraire. Je suis submergé par une vision criante de précision. Dans ces cas-là, je ne sais pas pourquoi, mais ce ne sont jamais des bonnes nouvelles. Et comme les gens ont tendance à penser qu'on ne peut pas influencer sur l'avenir...

— Ils se contentent de cela sans chercher à creuser plus loin, compléta à la perfection Arieta. En soi, nous ne sommes pas si différents, sur ce point. La plupart des gens cherchent mon ombre discrètement et, quand ils ne comprennent pas pourquoi je n'en ai pas, ils me fuient.

En disant cela, je sentis ses mains se rapprocher, ses bras vinrent s'appuyer sur ma nuque. Elle cherchait à se reposer, il fallait dire que notre différence de taille était tout de même conséquente. Arieta était plutôt petite et maigre, elle n'avait pas les traits d'une enfant, mais il était difficile de lui donner un âge. Parfois, je me demandais si elle n'était pas davantage une grande sœur qu'une mère pour ces jumeaux qu'elle avait recueillis.

— C'est pour ça que tu parcours le pays, de ville en ville, sans t'attacher ? finis-je par demander. Parce qu'on ne t'accepte pas ?

— Majoritairement, oui, résuma-t-elle. Généralement, j'arrive quelque part, je suis cultivée et c'est déjà quelque chose que les gens n'apprécient pas : je m'intéresse à des choses qui ne devraient pas me concerner. Alors, si en plus, on remarque ma... particularité. Là, ils deviennent méchants. Je n'ai pas demandé cela. Mon ombre me manque. Pourtant, c'est moi qui paye le prix d'une malédiction lancée par mon grand-père.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? tentai-je de comprendre.

— Tu connais la Brujería*  ? Ces rituels étranges qu'on pratique à la nuit tombée, bons comme mauvais ?

— Oui, bien sûr. On peut appeler ça de la sorcellerie, en somme.

Je n'osai pas lui dire que c'était en me renseignant sur ces pratiques que j'avais monté un rituel un peu plus efficace pour voir l'avenir. Je me contentai de hocher la tête.

— Dans le nord du continent, on appelle cela le Vaudou. Leurs origines seraient communes. Là aussi, il peut être bénéfique comme malsain. Mon grand-père fricotait avec les pires aspectsTeres du Vaudou. Pour racheter ses agissements, nous voilà donc cantonnés, sur trois générations, à êtres maudits de père en fils. Et de mère en fille. Ma mère a trouvé une façon de se débarrasser de son fardeau. Elle m'avait expliqué qu'on ferait la même chose quand je serai une adulte accomplie, mais... malheureusement, Marco est arrivé. Et il m'a pris mon ombre. J'avais besoin d'elle pour le rituel. Je suis, de ce fait, punie pour le reste de ma vie.

Entrelacs Verts ÉmeraudeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant