5. L'ignorance n'est pas dénuée de talent
MIRABEL
Arieta était toujours beaucoup trop stressée, trop timorée. Heureusement, c'était à Bruno de la canaliser, ce soir, et quelque chose me disait qu'il s'en sortirait très bien tout seul.
Je guettais son arrivée, avec Isabela, fières de notre méfait. D'accord, nous avions un peu déformé la vérité pour obtenir ce que nous souhaitions, mais le résultat était là : l'inventrice venait bien fêter l'automne avec nous.
En réalité, il s'agissait surtout d'une petite célébration qui fêtait le repos bien mérité, après une grosse période de récoltes en tous genres. C'était aussi un petit geste de remerciement à tía Pepa pour son investissement, durant la belle saison... Ça faisait très longtemps qu'on faisait cela, c'était devenu une tradition.
Voilà ! Arieta était là ! Pourquoi me sentais-je si nerveuse, tout à coup ? Je ne pouvais pas culpabiliser pour ce que j'avais fait, je ne regrettais rien ! Je la vis discuter avec les jumeaux, mais Esteban, lui, me vit de loin et m'adressa un petit signe de la main auquel je ne pouvais pas résister. Il n'était pas spécialement grand, mais sa tutrice étant de petite taille, de même pour sa sœur, il paraissait être un géant. Ses traits taillés, anguleux, contrastaient avec le visage rond, presque angélique, de Sofía.
Il était trop honnête, trop sage. J'adorais cette gentillesse, autant que son écoute et son ouverture d'esprit. Néanmoins, je me comportais toujours différemment avec lui qu'avec les autres, je ne savais pourquoi.
Pour les autres, c'était juste un jeune homme très beau. Tout le monde se retournait sur Esteban, absolument tout le monde lui trouvait un charme certain. Ça non plus, je ne comprenais pas. Il était mignon, oui, mais de là à être la seule chose qui le définisse.
Justement, il me rejoignit dès l'instant où Arieta le libéra.
— Tout se passe à merveille, dit-il en guise de salutation. Personne n'a posé de question, ils sont tous les deux perdus dans la contemplation l'un de l'autre. Non, mais regardez-les !
Il désigna tío Bruno et Ari du pouce.
— Que veux-tu, ajouta Isabela, parfois les choses les plus évidentes ne le sont pas pour les principaux concernés.
Le regard de mon aînée s'appuya sur moi. Que lui avais-je fait, pourquoi elle semblait s'adresser à moi ?
— Qu'est-ce que tu veux dire ? finis-je par articuler.
— C'est bien ce que je disais, me réprimanda-t-elle. Toi, tu ne vois rien, mais les autres ne sont pas aveugles. Bon, je vous laisse.
Elle jeta ce regard de grande sœur agacée, celui qui disait : « si tu me poses des questions, je te saute à la gorge. » Alors je préférai ne pas insister.
— Qu'est-ce qui lui prend ? demandai-je à Esteban.
— Qu'est-ce que j'en sais ? rétorqua-t-il en levant les mains au ciel. C'est ta sœur, après tout, t'es censé la connaître mieux que moi, non ?
— Je suis incapable de savoir ce que pense Isabela, me plaignis-je. Toi aussi, tu as une sœur, tu as de l'expérience pour essayer de m'aider, non ?
— Et toi ? s'offusqua-t-il pour de faux. Tu en as deux ! Deux fois plus d'expérience que moi, par conséquent.
— Oui, mais toi, tu as eu le temps de grandir avec elle. Moi, j'ai dû m'adapter à leur tempérament.
— C'est exactement ce que j'ai fait aussi, se défendit-il. Ton argument ne tient pas la route, là.
VOUS LISEZ
Entrelacs Verts Émeraude
FanfictionDans un moulin abandonné depuis quelque temps déjà s'était installée une curieuse femme et deux ados. Les nouveaux venus étaient rares à Encanto, mais les femmes qui ne possédaient pas d'ombre étaient plus rares encore ! Et qu'elle montre un intérê...