IV. 3.

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3. Une sorcière ne peut être une femme d'église

ISABELA

Voici plusieurs jours qu'on tentait de comprendre les pouvoirs de Sofía avec tío Bruno. Parfois, je me demandais lequel des deux, je devais canaliser le plus, d'ailleurs. J'avais une grande maîtrise de moi, alors la jeune DeVidrio me demandait souvent comment conserver son propre calme.

En dehors de cela, les jours passaient et personne de notre famille n'avait encore aperçu le fameux Consuelo, l'être auquel Arieta consacrait une bonne partie de ses journées, mais qui ne sortait pas du tout de sa maison.

Il fallait que je découvre ce qui se cachait là, alors, je décidai d'en savoir plus. Discrètement, je vis Arieta s'éloigner du groupe et rejoindre la maisonnette. Elle avait remis son déguisement de sœur, j'étais donc persuadée que c'était pour voir le vieil homme. J'attrapai doucement le bras de Dolores et lui fis signe de me suivre : je voulais découvrir qui était ce fameux Consuelo pour qui nous avions fait tant de kilomètres loin de chez nous. Mirabel nous vit quitter les lieux et, intriguée, elle souhaita nous suivre.

Nous nous faufilâmes donc à trois auprès des fenêtres de la maison, pile au moment où Arieta frappa à la porte, de l'autre côté de l'endroit où on l'espionnait.

— Qui est-ce ? Pablo, c'est toi ? eut du mal à s'exprimer la voix d'un vieil homme.

— Pas cette fois, dit la voix d'Ari. Vous êtes présentable ?

Elle entra tout de même, sans attendre de réponse, comme si elle savait ce qui allait se passer.

— Teresa, dit l'homme avec dégoût. Toujours là ? Je pensais que tu prendrais les jambes à ton cou... Je n'y croyais pas.

— Moi non plus, avoua-t-elle. Que voulez-vous, ma bonté me perdra. Bon sang, Consuelo, il faut aérer un peu !

Dolores nous tira, ma sœur et moi, juste à temps pour éviter le volet qui s'ouvrait en grand. Tandis qu'Arieta ouvrait la fenêtre et que nous nous cachions en dessous, elle en profita pour secouer une nappe aussi remplie de poussière que la grange. Nous dûmes nous retenir de tousser pour ne pas attirer son attention. Elle laissa la fenêtre ouverte, ce qui nous facilita l'écoute de la conversation, mais pas la lutte contre la quinte de toux.

— Qu'importe l'air que je respire, s'emporta l'homme, je vais mourir ! On s'en fiche.

— Je sais, lança la jeune femme avec tant d'aplomb que je fus bouche bée. Je ne serais pas là si vous n'étiez pas mourant.

Un court silence s'installa avant que l'homme ne reprenne la parole.

— Les autres vont te tuer, nota-t-il.

Je regardai en direction de ma sœur qui prit un air grave : était-ce au sens propre ? Les habitants de ce village pouvaient vraiment chercher à ôter la vie d'Ari ?

— Qu'ils essayent, objecta la bonne sœur (qui ne l'était plus.) Ils ont peur de moi.

S'ensuivit un ballet de banalités inintéressantes. Décidément, je regrettai d'avoir tenté d'en savoir plus. Soudain, une question dudit Consuelo attira mon attention.

— Pourquoi tu es revenue, Teresa ? Après tout ce que j'ai fait...

— Personne ne mérite de mourir seul, décréta-t-elle avec une voix sombre, pas même vous. Et puis, je suis la seule à savoir ce que vous souhaitez après votre mort, n'est-ce pas ? Alors autant que je me rende utile.

J'en avais assez entendu. Sans concerter mes deux comparses, je m'éloignai de la maison. Nous rejoignîmes la grange, qui était plutôt une dépendance, en réalité. Je demeurai éteinte le reste de la soirée. Je fis semblant d'aller bien, excepté Mirabel et ma cousine, tous se firent berner.

Entrelacs Verts ÉmeraudeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant