IV. 10.

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Pardon pour mon silence, les choses ne se sont pas tout à fait passées comme je l'imaginais. Je vais essayer de me reprendre un peu.

*

10. Le bruit de l'eau couvrait presque sa voix

DOLORES

Nous avions tous besoin de repos, de digérer ce qu'il venait de se passer. D'ailleurs, un silence pesant régnait alors que nous marchions en pleine nature. J'en venais presque à regretter le bruit incessant des chamailleries de Sofia avec son frère ou celui des plaintes d'Isabela sur le chemin qui était trop escarpé.

Pour le retour, Arieta s'était munie d'une carte, annotée par ses soins. Elle ne cherchait pas spécifiquement le chemin le plus court, mais le plus sécuritaire pour nous. Après tout, nous n'étions plus tant dans la précipitation qu'à l'aller. Nous avions hâte de rentrer à la maison, certes, mais en un seul morceau.

La jument qui nous suivait prenait du temps aussi. La pauvre mère en devenir peinait sur les grosses pierres, à éviter tous les obstacles. Alors, Ari prenait soin de sélectionner un trajet plus facile pour elle.

Soudain, mon oreille se tendit. Outre les piaillements des oiseaux ou le bourdonnement des insectes, je perçus un son bien plus régulier et continu.

— Ari, me renseignai-je, il y aurait une chute d'eau dans les parages ?

— Laisse-moi y jeter un œil, vérifia-t-elle en consultant la carte. On est près d'un bras de rivière, mais pas de chute d'eau connue. Pourquoi ?

— En même temps, intervint Esteban, je doute qu'on ait exploré les environs dans le détail.

— On... On pourrait aller voir en direction du bruit ? proposai-je.

— Vous êtes d'accord ? consulta Arieta en attendant l'approbation de tous.

— De toute façon, nous sommes tous fatigués, argumenta tío Bruno. Faire une pause nous fera le plus grand bien.

— D'accord, céda l'inventrice, puisque tout le monde est de cet avis...

— Il n'y a que Bruno qui ait parlé, on est d'accord ? chuchota Sofía à Mirabel qui ne put s'empêcher de rire.

Nous descendîmes donc de quelques centaines de mètres, suivant avec rigueur ce que mon oreille m'indiquait. Et là, quelle ne fut pas notre surprise en découvrant un véritable havre de paix. Une cascade merveilleuse, l'eau limpide et un bassin assez grand pour que l'on puisse tous s'y baigner un instant.

Même Arieta, qui était un peu monotone depuis la mort de Consuelo, s'accorda à dire que cela nous ferait du bien de nous détendre un moment avant de repartir.

Autour du bassin, l'herbe avait poussé, la jument en profita donc pour se rassasier. Mirabel, elle, resta près de l'animal sans raison, comme si elle cherchait aussi à éviter les autres. Je la rejoignis, prête à chercher ce qui n'allait pas.

— Il y en a encore pour longtemps, tu crois ? demandai-je en parlant du poulain.

— D'après Ari, la naissance est prévue d'ici à quelques jours.

— Et tout va bien ?

— Je pense bien, oui, dit-elle en forçant un sourire.

Je m'assis à côté d'elle et nous regardâmes le reste de notre famille jouer dans l'eau, déjà tous trempés.

— Et toi ? me renseignai-je alors. Tout va bien ?

— Hein ? Moi ? Mais pourquoi ça n'irait pas ?

Son faux sourire s'étira davantage, alors j'insistai.

Entrelacs Verts ÉmeraudeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant