V. 7.

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7. La personne qui capture l'ombre est tourmentée jusqu'à ce qu'elle soit relâchée

ESTEBAN

Je n'avais jamais été courageux, je n'avais jamais été véritablement utile. Tout ce que je savais faire, c'était grâce aux autres. Arieta m'avait appris des tas de choses, les plans que j'échafaudais n'étaient que des pâles imitations des siens. Depuis peu, nous avions découvert que Sofía perfectionnait son don grâce à moi. Même mes progrès en lecture, je ne les devais qu'à Mirabel.

Toutefois, il fallait bien quelqu'un qui ne sache rien faire pour tout mettre en place. Ma sœur utilisa ses pouvoirs pour retrouver notre tutrice, sur base d'une étoffe qu'elle portait souvent. Il nous fallut un moment avant de rejoindre la montagne : nous vîmes beaucoup de gens armés, s'en prendre à Arieta. J'avais peur, j'avais envie de partir, mais voir celle que je considérais comme ma mère aussi affligée me rappela que ce que je faisais en valait la peine.

Isabela entrava les partisans du Père Marco grâce à des lianes épaisses. Plusieurs autres membres de la famille se chargèrent de leur enlever leurs armes, de les laisser choir sur le sol. Je quémandais qu'on éloigne les chevaux, mais surtout les deux chiens qui appartenaient à Consuelo, que je m'engageais à ramener à Pablo sitôt cette histoire terminée. J'entendis Antonio partir avec son père, conformément à ce que j'avais ordonné. Pour peu, je me sentais vivant. La pluie battait mon visage, gelait mes os, mais je me sentais vivant.

Dans le tohu-bohu général, je rejoignis Arieta qui faisait face à Marco, lui aussi englué dans un tas de ronces. Isabela n'avait pas fait le tri, je lui avais bien précisé qu'elle pouvait s'en donner à cœur joie : elle n'avait pas fait dans la dentelle. L'inventrice était un peu ailleurs, détachée de ce qu'il se passait autour d'elle, mais consciente. Je m'évertuai à la libérer de ses menottes, mais je n'y parvins pas. Pire, je la fis hurler de douleur.

— Arrête, 'Steban, arrête ! me supplia-t-elle.

— Les clés sont sur l'homme derrière moi, raccusa Marco

— Pourquoi je vous écouterais ? marmonnai-je en cherchant un autre moyen. Vous êtes une saloperie finie.

— Esteban ! m'enguirlanda Ari moins vivement qu'elle ne l'aurait souhaité.

— Politesse ! cria le prêtre sur le même ton.

Effectivement, ils avaient été élevés ensemble, maintenant que je les voyais se répondre de la sorte, ça sautait aux yeux.

— Écoute-le, me conseilla ma tutrice. Ça fera toujours moins mal.

Résigné, j'obéis. Sauf qu'en fouillant l'homme et, avant de trouver les clés, la fripouille se libéra et me frappa dans la mâchoire. Je me mordis la langue, je me retins de crier. Il eût le temps de reprendre sa machette pour s'en prendre à moi. À terre, un peu sonné, j'entendis quelqu'un prononcer mon nom pour me prévenir, juste à temps pour éviter le premier coup. Luisa me vint en aide en secouant mon assaillant comme un prunier jusqu'à ce qu'il lâche son arme.

Malheureusement, les lianes ne tinrent pas beaucoup face à la colère de ces disciples. Pour eux, ils étaient en guerre et, nous tous, nous n'étions que des sorciers et sorcières à abattre. De quoi les énerver et les motiver davantage, en somme.

— Hé, p'tit ! m'interpela une voix.

C'était le Père Marco.

— P'tit ? rétorquai-je. Vous vous fichez de moi, je suis plus grand que vous !

— Prends ce qu'il y a autour de mon cou, m'ordonna l'homme. Brise-le.

Je fouillai pour trouver une fiole scellée en verre (ou en cristal, je n'étais pas un parfait scientifique) accrochée. Je le dévisageai. Pendant ce temps, non loin de moi, Bruno venait tenter sa chance pour délivrer ma tutrice.

Entrelacs Verts ÉmeraudeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant