Chapitre 46 - Choisir

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  - Yono, quand tu auras retrouvé ta famille, n'oublie pas de l'aimer plus qu'autre chose ! Et surtout, d'en faire une priorité. La vraie famille ça passe avant tout... Avant la passion et le travail aussi. Je l'ai compri en retard, ne fait pas la même erreur.

Le sourire d'Abriel se réduit, et ses yeux se mirent à larmoyer derrière les verres de ses lunettes. Apitoyé, Yono quitta l'herbier qu'il était en train de feuilleter et posa sa main sur celle du vieil homme.

  - Professeur, c'est vous ma famille maintenant. 

Abriel posa ses yeux sur le garçon. Il le regardait avec tant de reconnaissance que le professeur se sentit intimidé.

Depuis qu'il l'avait accueilli chez lui, il ne voyait de Yono que de la progression. Il comprenait facilement et apprenait vite. Et plus que tout, il le rendait heureux. Et quand il lisait toute cette honnêteté dans ses yeux, le professeur se demandait avec intrigue qu'est-ce que ce garçon allait devenir dans le futur ?

À travers les fenêtres de la pièce, le magnifique soleil projetait ses rayons dorés sur eux deux. L'homme sourit au garçon et passa sa main dans ses cheveux.

  - Merci Yono, t'es gentil. C'est une chance que tu sois là.

•○•○•○•


Gorge nouée, Yono avait la tête cachée entre ses genoux. Il pensait à Kayl, Ralph, Sandy... Il avait envie de les voir et d'entendre leurs voix.

Entre temps il se demandait est-ce que c'était ça de faire partie d'une famille ? S'inquiéter pour elle ? Penser à elle dans toutes les circonstances ?

C'était ce qu'il avait ressentit quand il était avec Masahiro Abriel, de l'attachement. Et il ne pensait pas qu'il allait avoir le même sentiment à l'égard d'une autre personne un jour. Depuis cette séparation avec le professeur, il avait des bleus à l'âme. Des bleus qui ne guériront jamais.

Yono ouvrit ses yeux et leva son regard. En face, en haut du triste mur couvert de lichen noir, une petite baie carrée brillait. Sous son regard fatigué, un lézard sortit d'une fente et grimpa le mur pour finalement se glisser par l'ouverture. Il était libre.

Le garçon fronça les sourcils. Il voulait sortir. Il désirait retrouver l'extérieur et l'air frais. Mais non, il était là, moins libre qu'un lézard.

Le plus frustrant était qu'il était obligé d'écouter Takeshi jouer de la flûte d'un air joyeux. L'homme ne compatissait plus d'aucune manière.

   Tôt ce matin, un autre gardien était passé dans le couloir pour vérifier si Takeshi suivait les ordres de Roku en ne donnant ni eau ni nourriture au garçon. Lors de son arrivée, Yono eut la sournoise idée de se coucher sur son flanc affin de dissimuler son assiette et fit semblant d'être totalement épuisé et incapable de se lever. Takeshi, surpris par cette inspection inattendue, blêmit et ne sût pas comment réagir tout de suite. Après un bref silence, il prétendit au visiteur que tout se passait comme demandé. Ne doutant pas de leur complicité, le gardien était reparti sans ajouter de remarque, persuadé que le prisonnier allait bientôt périr de faim.

Suite à ça, Takeshi avait perdu sa complaisance. Ce fut une visite qui l'avait angoissé. Quelque chose que Yono commençait à regretter.

Depuis, le sourire avait quitté son compagnon de prison. Car oui, Takeshi était son compagnon de prison. Ici, tous les deux étaient des prisonniers.

Plongé dans l'embarras, le samouraï s'était mis à fabriquer cette sorte de flûte à l'aide d'un canif et d'un morceau de bois. Un réflexe dicté par la peur, pensa Yono. Et maintenant, ça faisait plusieurs heures qu'il ne s'était pas arrêté de jouer dessus.

La Rébellion du SamouraïOù les histoires vivent. Découvrez maintenant