𝐈 𝐰𝐢𝐥𝐥 𝐛𝐞 𝐭𝐡𝐞 𝐝𝐞𝐚𝐭𝐡 𝐨𝐟 𝐲𝐨𝐮

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La veille au soir.


La soirée avait bien commencé. Un joint entre ses lèvres, un verre de son alcool préféré coincé dans sa main gauche, Eddie s'impatientait. À chaque nouveau concert, il ressentait la même chose, était submergé par les mêmes émotions. La joie. L'excitation. L'euphorie. C'était d'ailleurs le sentiment principalement prédominant en cet instant.

De la pièce où il se trouvait avec son groupe, gentiment réservé par le propriétaire de l'établissement, le jeune homme entendait les clients rire et demander bruyamment la rapide arrivée des musiciens. Un large sourire étendit ses lèvres, égayant son visage et son regard, ses perles brunes recouvertes par ses longues bouclettes de la même couleur.

Tout compte fait, son euphorie était sans doute due aux nombreuses substances qu'il avait fumées ce soir. Cependant, il refusait de reconnaître qu'elles avaient un effet néfaste sur lui. Il constatait simplement qu'elles l'aidaient à oublier toute la négativité et la tristesse qu'il avait emmagasiné durant des années. Grâce à elles, il se sentait libéré.

Eddie se releva de son fauteuil, tapant dans la main de Joly, la batteuse du groupe, tout aussi excitée que lui à l'idée d'enfin se produire après plusieurs semaines sans avoir eu l'occasion de le faire. Il attrapa sa veste posée sur le portemanteau, l'enfilant avant de sortir de la pièce et de rejoindre la scène.

— La star va rejoindre son public ! cria-t-il.

Plus il se rapprochait de l'estrade, plus il entendait les voix de son public, plus il sautillait en progressant dans le couloir. À présent, il distinguait les différents instruments, envoyant un clin d'œil équivoque à sa guitare apparaissant dans son champ de vision. La femme de sa vie, comme il aimait l'appeler.

En arrivant à bon port, le brun constata qu'il avait beaucoup plus de monde qu'il n'avait pu l'imaginer. La pub qu'ils effectuaient sur leurs réseaux sociaux depuis quelques jours, semblait avoir porté ses fruits. Il salua rapidement la foule de jeunes, se déplaçant jusqu'à son instrument à cordes, en vérifiant l'état. Il ne manquerait plus qu'un membre du personnel ait osé l'abîmer. Pour sûr, il ne se retiendrait pas de se ruer sur lui pour lui faire comprendre sa colère.

Il balada son regard dans le bar, n'oubliait aucun coin de la pièce. Une jeune femme l'observait fixement alors il décida d'imiter son œillade. Jusqu'à ce qu'il la reconnaisse.

Chloé.

Eddie recula involontairement, son cœur ayant effectué un bond digne du plus grand sauteur à la perche de l'histoire du sport. Il sentait son visage changer de couleur et se teinter de blanc, sans doute amplifié à cause des projecteurs braqués dans sa direction. Il ne s'était jamais préparé à la revoir, ni ce soir, ni à n'importe quel autre moment. Pourtant, il aurait dû prévoir l'événement. Ce n'était pas parce qu'il ne l'avait pas vu depuis des années, qu'elle avait subitement déménagé.

Toutefois, Londres était grand. Lui aussi s'était mis à croire à un stupide coup du sort, qu'il méritait probablement. Seulement, en cet instant, il lui était impossible d'effectuer le moindre mouvement. Eddie sentait la colère prendre possession de lui, sans savoir contre qui cette dernière était dirigée. Contre-lui, mais avant tout contre elle.

Parce qu'elle avait changé. Parce qu'elle était devenue la jeune femme qu'elle avait toujours rêvé d'être. Charismatique, belle. Il la haïssait pour s'être épanoui alors que lui, avait simplement stagné et n'avait jamais pu évoluer.

Chloé n'était plus la lycéenne renfermée, ou en tout cas, elle n'en donnait pas l'impression. Elle avait grandi. Sans lui. À cause de lui.

Trop gêné pour poursuivre cet eye contact, Eddie détourna le regard, remerciant silencieusement ses amis qui avaient choisi ce moment pour le rejoindre sur la scène. Il lui tourna le dos, donnant les dernières directives aux deux musiciens et au chanteur.

C'était à lui de lancer le show. Néanmoins, il n'y parvenait pas. Bien que la rousse ne se trouvait plus dans son champ de vision, il sentait toujours la pression de son regard sur son dos. Sa peau était sous le joug d'une puissante nuée de frissons. L'air se faisait rare dans ses poumons, peinant à se renouveler.

Il avait toujours eu l'habitude de performer sans même s'intéresser à ce que les autres pourraient bien penser de sa prestation. Il n'était jamais resté après un concert à écouter les différents avis de ceux qui venaient de l'écouter. Le guitariste savait qu'il était talentueux. Il n'avait besoin de l'aval de personne pour confirmer cette opinion véridique. De plus, il savait pertinemment que cet avis était biaisé, peut-être légèrement hypocrite. Les gens aimaient Eddie le musicien, mais n'aimaient surtout pas la personnalité qui se cachait derrière.

Alors lui, choisissait d'entretenir cette personnalité atypique et effrayante, voulant les garder à bonne distance. Puis, la plupart du temps, il était fier de ne pas être rentré dans ce moule standardisé.

Prenant une grande inspiration, le brun se confronta au-devant de la scène, attrapant son médiator à l'effigie de son groupe préféré dans le fond de la poche avant de son pantalon déchiré. Les premières notes de la chanson se formèrent seules. La mélodie s'échappa de sa guitare, montrant la marche à suivre.

Eddie ferma ses yeux, se concentrant simplement sur le son qu'il produisait. À chaque fois, c'était la même chose. Son état euphorique en transformait, le conduisant à une véritable transe. Il n'interprétait pas Nothing Else Matters. Il vivait Nothing Else Matters. Chaque vibration contre sa paume était une véritable déclaration d'amour. Chaque nouvelle parole conduite par son chanteur, était un effluve de sentiments qui le ravissait toujours autant.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, Chloé n'était plus là. Il vit le regard de ceux qu'il avait deviné être ses amis, dirigés vers l'endroit où se situaient les sanitaires. Au fond, il était déçu, bien qu'il n'espérait rien de cette confrontation inopinée. Il aurait espéré qu'elle reste l'admirer. Il aurait espéré qu'elle soit capable de rester le regarder et qu'elle se sente fière de lui. Cependant, il n'avait pas le droit de lui en demander autant. Tout était de sa faute. Elle se sentait trahie.

Les musiques défilèrent, Eddie essayant de rester le plus concentré possible. Les effets de la drogue commençaient déjà à se dissiper, lui rendant la pleine possession de ses moyens. Ce qu'il détestait le plus en l'occurrence. Dans ce genre de moments, il réfléchissait trop. Ses pensées divaguaient à vive allure et bien qu'il tentait de les faire taire, ça se soldait toujours par un échec cuisant.

La représentation se termina, Eddie tapant dans la main de ses camarades en effectuant leur cri de guerre habituel. Il salua la foule en une révérence légèrement loufoque, abaissant son torse écartant ses bras, fendant l'air ambiant. Il en profita pour chercher Chloé du regard, remarquant qu'elle n'était sans doute pas encore sortie des toilettes. Il descendit rapidement de l'estrade, empruntant le même chemin.

Il voulait l'agacer. Il voulait être méprisable et lui passer la potentielle envie de le revoir. Il ne comprenait pas pourquoi il ressentait ce besoin viscéral de la tenir aussi éloignée de lui. Tout en sachant que sa douleur se ravivait lorsqu'il la voyait partir. Sans doute pour l'empêcher de finir comme lui. Sans doute pour lui laisser vivre la vie qu'elle méritait d'avoir. Eddie avait connu un drame il y a quatre ans. Il était hors de question qu'il arrive quelque chose de similaire à celle qu'il considérait, malgré tout, comme sa meilleure amie.

Il sourit légèrement en la voyant apparaître, provoquant une collision. Son front heurta sa poitrine, la jeune femme manquant de trébucher. Eddie se mit à rire, plongeant ses mains dans les poches de son pantalon, jouant avec son médiator. L'anxiété.

Il ne prit pas le temps de répondre à ses excuses et se contenta simplement de l'observer, débitant quelques conneries pour attiser sa colère tel un feu de camp que l'on refuse de voir s'éteindre. Pour sûr, elle avait pris une sacrée dose de caractère. Le brun voyait la haine dans son regard, ce qui la força à rapidement couper court à leur conversation.

Le musicien l'observa s'en aller, finissant par rejoindre son groupe, sautant sur le dos du deuxième guitariste pour l'embêter. La parenthèse presque enchantée était terminée, il devait déjà rentrer chez son oncle et se confronter à la réalité de son quotidien.

See you later Chloé.

𝐋𝐞 𝐝𝐞𝐫𝐧𝐢𝐞𝐫 𝐚𝐜𝐜𝐨𝐫𝐝 | Eddie Munson x OcOù les histoires vivent. Découvrez maintenant