Préface

833 27 6
                                    

Je me souviendrais toujours de ce moment surréaliste où j'ai aperçu ma sœur se tenir debout sur le petit muret du balcon. Ses jambes tremblaient comme des feuilles caressées par le vent. Elle pleurait en silence comme le font certaines personnes lors d'un décès de leurs proches, afin que le défunt ne souffre pas des cris qui lui sont destinés. Les larmes roulaient sur son épiderme si pâle par toute cette fatigue morale et physique qu'elle avait endurée ces derniers jours. Si la douleur physique était une chose qui pouvait se calmer, son côté psychologique, lui, n'avait aucun répit. Les pensées noires se succédaient surtout la nuit. Son esprit avait le champ libre pour penser à tout ce qui était négatif. Lorsque la lumière était éteinte, son âme suivait le même chemin.

Elle avait laissé fondre le premier comprimé sous sa langue il y a de ça une semaine comme lui avait expliqué le médecin, un ami de la famille. Selon lui ça agissait plus rapidement pour évacuer l'embryon et cela était moins traumatisant pour la femme. Il aura fallu moins d'une heure pour que les premières pertes de sang arrivent. À ce moment-là son cœur avait saigné lui aussi. 

  Elle ne se tenait pas droite. Ma sœur tanguait légèrement en tentant de se rapprocher petit à petit du bord tout en regardant droit vers l'horizon. Ma jumelle avait toujours eu le vertige. Il m'arrive encore aujourd'hui à me demander comment elle avait fait pour arriver à escalader le long du muret. La douleur et la désespérance étaient à l'origine de sa souffrance. Elle écartait les mains tremblantes de son corps comme le ferait un oisillon en déployant ses ailes afin de s'envoler pour la première fois. Joy n'est pas un oiseau. Une chute du septième étage l'aurait tuée sur le coup. C'est ce qu'elle comptait faire, mettre fin à ses jours. Elle aurait réussi si je n'avais pas décidé au dernier moment de renoncer à aller étudier à la bibliothèque. Ce moment-là, où je montais dans le bus, un sentiment indéfinissable me prit. Quelque chose n'allait pas. Les portes du bus étaient fermées. J'ai dû supplier le chauffeur de me laisser descendre et j'ai couru jusqu'à la résidence de notre tuteur. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine et explosa dans tout mon être. Les battements de mon propre cœur tambourinaient si fort dans mes oreilles que je n'entendais plus vraiment ce qui m'entourait. un vague souvenir du brouhaha lointain d'un avion et les voitures qui passaient dans les rues qui entouraient la résidence. Il m'aura fallu me faire violence pour gérer mes émotions et ne pas crier. Je lui aurais fait peur et elle se serait envolée à tout jamais. Je suis arrivée doucement en chuchotant de ne pas le faire. Elle s'est retournée vers moi, surprise de me voir à la maison. Je lui ai demandé de venir vers moi doucement, j'allais l'aider à descendre. Elle a refusé dans un premier temps juste en hochant la tête ce qui lui fait perdre un peu l'équilibre et elle s'est mise à vaciller. Le sentiment que mon âme allait quitter mon corps en la voyant ainsi tanguer et tenter de reprendre son équilibre. Elle m'a demandé avec une voix plus aiguë que l'ordinaire de partir. Ce que je n'ai pas fait. Je ne l'ai pas brusqué. Je me suis doucement rapproché jusqu'à elle puis j'ai moi-même escaladé le balcon où trônaient des grands pots en céramique avec des plantes et jardinières pour me mettre à sa hauteur. Je n'ai jamais eu le vertige, mais je mets quiconque au défi de le faire sans que ses jambes fléchissent.

- Tu es folle, arrête ça! m'avait-elle ordonné.

- Si moi je suis folle, comment devrais-je te qualifier Joy ? Regarde ce que je fais comme bêtise pour toi. Si tu décides de sauter, alors je te suivrais et nous ne souffrirons plus jamais.

- Que connais-tu de la souffrance Charlie ? Tu as, le parfait petit ami. Tu n'as jamais été agressée. Tu n'as jamais dû avorter ! Je suis exténuée de devoir faire semblant de ne pas le regretter, d'essayer de me convaincre que je l'ai fait pour la bonne raison. Je sais au fond de moi que j'aurais pu réussir. J'ai juste été lâche et je fais souffrir une autre personne à cause de mon comportement.

Sexy ChocolatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant