N & J

𝟞𝟘

- Mila, reveille-toi.

Une douleur lancinante au crâne et une lumière beaucoup trop vive me font immédiatement grimacer. J'ouvre péniblement les yeux et remarque que je suis à l'hôpital. Et ça me rappelle beaucoup trop de mauvais souvenirs. La dernière fois que je me suis réveillée dans un lit comme ça, j'ai perdu Nex de vue pendant un an entier.

- Mila ?

Je me tourne vers Leily, qui me scrute avec inquiétude. Puis, la nuit dernière me revenant subitement en tête, je me redresse précipitamment. Une horrible douleur me prend alors à la tête.

- Calme-toi, fait ma meilleure amie en m'aidant à me rallonger. J'ai demandé à tes parents d'être celle qui te l'annonçais.

- M'annoncer quoi !?

- Plusieurs choses, en fait... ça fait déjà deux jours que tu es à l'hôpital, tu as perdu ton oreille gauche, et l'ouïe aussi de cette même oreille aussi, et tu...

- Je m'en fou de ça Leily, je l'ai bien senti il y a deux jours que je n'avais plus d'oreille et d'ouïe ! Où sont Nex et Aymeric, qu'est-ce qu'ils leurs ont fait !?

- Bon euh... ils vont comparaître devant un juge dans quelques heures. Mais tout le monde sait ce qu'il va se passer, ils vont prendre la peine maximale.

Autant dire la peine de mort...

- Ce n'est pas possible...

Des larmes commencent à rouler le long de mes joues.

- Tu es un témoin clé, alors tu vas être appelée à la barre pour témoigner. Je vais t'aider à te préparer.

Et pendant l'heure qui suit, elle me change, me maquille et me coiffe, mais je suis comme absente. Je suis épuisée. J'en ai marre. Je ne veux pas continuer à vivre de cette manière si c'est pour me sentir vide et seule en permanence.

Pendant le trajet, j'ignore mon père. Si ils se font tués par sa faute, je ne lui adresserais plus jamais la parole. Ma mère ne dit rien, les lèvres pincées.

Une fois que nous arrivons au palais de justice, j'interdis mes parents de m'aider pour sortir de la voiture. Je suis en fauteuil roulant, puisque je me suis prise une balle dans la jambe il y a quelques heures. Je fais avancer mon fauteuil et m'apprête à rentrer à l'intérieur du bâtiment lorsqu'une silhouette qui me semble familière se dessine dans l'ombre. Et c'est là que je reconnais Lex, le cousin de Nex.

- Entrez avant moi, j'ai besoin de prendre l'air, je lance d'un ton froid.

Ils acquiescent et entrent, alors je me rapproche de Lex.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? Le tribunal le sait ?

- Absolument pas. Et je ne peux pas prendre le risque qu'on me voit, puisque je suis recherché moi aussi.

- Pour quoi, trafic de thé ? je lance sarcastiquement.

Il lève les yeux au ciel mais ne répond pas à mon attaque. Je ne l'aime pas particulièrement, mais s'il peut m'aider, je ne suis pas contre.

- Une cigarette ? me propose-t-il.

- Euh, ouais, pourquoi pas. Mais qu'est-ce que tu fais là, en fait ?

- Je viens supporter mon cousin à distance.

Il sort son paquet et m'en tend une. Il allume la sienne puis me passe son briquet pour que j'allume la mienne. Puis, en scrutant le parking du regard, je vois une camionnette blindée, qui doit probablement être celle qui les a emmené ici et les ramènera en prison le temps qu'ils se fassent exécuter. Son chauffeur est encore à bord, en train de fumer une cigarette comme s'il ne s'apprêtait pas à emmener deux hommes en direction de la peine de mort. Et soudain, une idée me vient en tête.

- Dis-moi, les caméras de sécurité filment partout ou il y a des angles morts ?

- Le seul qu'il y a est celui où je me trouve.

Je hoche la tête.

- File moi ton paquet de clope.

- Pourquoi ?

- Je crois pouvoir les aider lui et Aymeric à s'en sortir.

- Comment ça ?

- File moi ton paquet.

- Je ne sais pas si je dois te faire confiance, la dernière fois que je t'ai vu t'as assassiné un de mes potes.

- Tu ressasses encore le passé ? C'était il y a plus d'un an.

Il me file son paquet en levant les yeux au ciel, et je m'approche de la voiture la plus proche de l'angle mort. Là, j'ouvre son réservoir d'essence et prends une cigarette, que je frotte partout contre la paroi.

- Mais qu'est-ce que tu fous ??

- Surveille que personne ne me voit.

Je termine et referme le réservoir, puis me dirige vers l'intérieur du tribunal.

- Oh, tu m'expliques ce que tu branles ??

- Rentre chez toi, et suis les infos. Tu le découvriras bien vite, si ça marche.

Il fronce les sourcils et c'est à ce moment-là que je rentre dans le bâtiment.

- Tu sens la cigarette, remarque ma mère.

- Et alors ? Tu sais que je fume.

- Oui mais ce n'est pas classe, devant la justice.

- J'en ai rien à foutre de cette justice de merde.

- Jamila !

Je lève les yeux au ciel et nous partons nous installer. On commence par interroger quelques témoins peu importants, puis c'est à mon tour de passer. Je leur dis la stricte vérité, et leur décris comment ces deux hommes se sont comportés avec moi, comme ils m'ont fait rire et m'ont aidé dans bien des situations compliquées. Puis, on me fait rassoir.

Le procès commence par Aymeric, qui est reconnu coupable de tout un tas de crimes tels que meurtres prémédités, vols à main armée, tortures, blessures entraînant la mort... nous échangeons un regard, et je comprends qu'à ce moment-là, il a vraiment peur.

Le juge est sans appelle, il le condamne à la peine de mort. Comme si je n'avais pas assez pleuré ces dernières 24 heures, des larmes viennent couler le long de mes joues.

Puis, c'est au tour de Nex d'entrer. Mon coeur se serre en le voyant, et nous échangeons un long regard. C'est peut-être la dernière fois de ma vie que je le vois, et pourtant, je m'apprête à partir de la salle  plus tôt pour tenter de le sauver lui ainsi qu'Aymeric, sans aucune garantie que ça fonctionne. Si ça ne marche pas, je regretterais à vie d'être partie plus tôt sans pouvoir lui dire au revoir.

- Je vais aux toilettes, je dis à mes parents.

- Si tu sors, tu ne pourras plus rentrer, dit mon père.

- Tant pis, ça ne devrait plus durer bien longtemps. Je vous attends dehors.

Ils hochent la tête, et je dirige mon fauteuil vers la sortie. Une fois dehors, je m'adosse pas loin de la camionnette, et je comprends que si jamais mon plan fonctionne, j'ai intérêt à disparaître, parce que les caméras enregistrent le moindre de mes faits et gestes et on comprendra rapidement que ce qu'il se sera passé sera de ma faute.