N & J

④

- Dis-moi, tu n'as jamais évoqué le fait de coucher avec moi, c'est normal ?

Il me lance un regard noir tout en prenant une bouchée de ses raviolis. Je suis en train de m'en préparer également.

- Non parce que d'habitude tous les mecs que...

- Est-ce que je ressemble à tous les mecs ?? me coupe-t-il.

Je fais mine de réfléchir.

- Si on prend en compte le fait que t'as une légère tendance sociopathe meurtrière, alors non, mais...

- Alors tu l'as ta réponse.

- Tu as peut-être fais vœu d'abstinence après tout. Tu peux me le dire tu sais.

J'entends sa respiration s'accélérer tandis qu'il met ses mains sur son visage.

- J'vais te buter, dit-il.

- Avec grand plaisir. À quelle heure ? Je suis disponible dès maintenant même si c'est possible.

- Tu la fermes jamais ?? gueule-t-il en enlevant ses mains de son visage pour venir les poser sur la table tout en fusillant du regard comme il aime si bien le faire.

Je secoue la tête de la gauche vers la droite avec un grand sourire. Mais soudain, ses mots font remontés un souvenir dérangeant.

3 mois plus tôt

- Non Rick, pas ce soir, je m'exclame en riant, totalement saoule.

Rick, un ami à moi, a organisé une super fête chez lui ce soir. Il y a beaucoup d'alcools, de la bonne musique et j'ai même un joint entre les lèvres que je m'apprête à allumer.

- Rho, mais tu sais que j'en ai envie, dit-il avec la tête dans mon cou et sa main qui remonte de plus en plus le long de ma cuisse.

- Là moi j'ai juste envie de...

- Tu fermes jamais ta gueule toi... me coupe-t-il d'un ton posé, totalement défoncé.

Je m'apprête à allumer mon joint quand il prend mon bras et l'éloigne de ma bouche. Il retire le joint d'entre mes lèvres et le balance plus loin. Et là je sais déjà ce qu'il va se passer. Même si je lui dis non, il ne m'écoutera pas et va profiter de moi. Tandis que sa main remonte vers mon intimité, je la stoppe. Mais il n'y prête pas attention et continu son ascension le long de ma cuisse. Si je le repousse, je sais qu'il ira dire des choses abjectes sur moi. Qu'il me fera la pire des réputations. Alors malgré le fait que je n'en ai pas envie du tout, je le laisse faire. Je le laisse faire car je suis habituée à ce que les garçons me traitent ainsi. Je ne connais aucune autre manière. Je me contente donc de fermer les yeux, peut-être que si je m'imagine ailleurs le temps passera plus vite.

*****

- Faut aller faire des courses, et c'est toi qui va t'en charger, lance soudain Lex avec ce ton si amical dans la voix.

- Et pourquoi est-ce que tu n'irais pas toi ?? je demande. Je te signale que ma tête a dû faire le tour de tous les médias américains à l'heure qu'il est.

- T'es recherché parce que t'es portée disparue. J'suis recherché parce que j'ai fait une fusillade causant la mort de 56 personnes. Alors à ton avis, qui est-ce qui doit rester le plus caché ??

-  Très bien, dans ce cas je vais y aller, mais je n'achèterai des choses que pour moi, j'annonce en croisant les bras sur ma poitrine.

Il se marre soudain.

- Qu'est-ce qu'il y a de drôle au juste ? je demande, ennuyée.

- Et tu comptes payer avec quoi au juste ? Des photos d'ton cul ?

Ah, je n'avais pas pensé à ça. Ma carte noire et le peu de liquide que j'ai sont dans mon sac que j'ai évidemment laissé au lycée. Et puis de toute manière même si je l'avais je ne pourrais pas m'en servir puisque l'on pourrait me tracer. Il est hors de question que je sois retrouvée. Je devrai peut-être envoyer une fausse lettre de suicide ? Non, mes parents ne s'en remettraient pas. Je soupire et me tourne vers Nex.

- Je ne sais pas où est le magasin, et en plus on risque de me reconnaitre. Même si tu es recherché, à part la couleur de tes yeux ils n'ont rien sur toi puisque tu étais cagoulé.

- Et toi sur les photos qu'ils ont montré aux infos t'es maquillée pire qu'un clown alors crois-moi, ils ne te reconnaitront certainement pas.

Aïe, coup dur.

- Mais qu'est-ce qui te garantit que je ne vais pas me barrer avec l'argent pour aller te balancer ?

- J'y crois pas une seconde. Ca ne m'a même pas effleuré l'esprit tu vois.

Je lève les yeux au ciel.

- Ne lève pas les yeux devant moi, dit-il.

Je le refais.

- Tu m'cherches ??

- Mmh je ne sais pas à toi de me le dire.

Il fait un pas dans ma direction, l'air énervé.

- Tu devrais arrêter avec cet air menaçant tu ne me fais pas peur et...

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'en deux enjambées, il m'attrape par le coup et me balance sur le vieux canapé qui couine sous mon poids. Il se place juste au dessus de moi, de sorte à ce que je ne puisse plus bouger.

- Arrête de me parler... comme si j'étais ton pote... murmure-t-il tout près de mon visage.

Il lâche enfin ma gorge et se relève tandis que je me redresse et replace la blouse sur mes jambes. Je le fusille du regard, ce qu'il ne remarque pas, et me dirige vers le tourne-disque pour le mettre en route. Quand "Can't help falling in love" retentit, je m'assois à même le sol et me détends immédiatement.

- Coupe ta musique de merde ! lance-t-il.

Je l'ignore et bouge lentement ma tête au rythme de la musique. Nex se rapproche de moi.

- Tu m'entends quand je te parle ?? Enlève cette putain de musique !

Si je n'avais pas peur qu'il recommence à me prendre par le cou, je lui dirais qu'il est en train de me faire un remake du début du clip de Michael Jackson "Black or white". Je passe outre, me lève, arrête la musique et me dresse face à lui. Je tends la main et lui dis du ton le plus froid que je peux :

- C'est bon passe moi le fric, j'vais aller les faire tes putains de courses.