Chapitre 38

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PDV Élise 

Pourquoi est-elle là ? Est-ce qu'elle est au courant ? Ou y allait-elle pour une autre raison ? L'écran de l'ordinateur posé sur mes genoux, je m'approche un peu plus de l'image. 

Oui, c'est bien elle. Elle lui parle, fait demi-tour, rentre chez elle puis en ressort. On ne voit pas autre chose sur la vidéo. 

L'image est de mauvaise qualité, on aurait dit un film d'il y a quarante ans. Je m'approche encore plus, espérant trouver d'autres détails. Les rideaux sont fermés, de même que tous les volets de la maison. Je sens le stress et l'adrénaline monter en moi.

Je me dirige vers la chambre de mon frère. Il est toujours assis à son bureau, à essayer tant bien que mal de localiser l'endroit où il a bien pu partir. Pourtant, il n'y a plus de doute, il est bien là.

Je lui tends l'ordinateur, qui clignote en rouge. Nous l'avons beaucoup utilisé ce matin. Il y jette un coup d'œil, hoche la tête avec un air grave. Il ne comprend pas non plus. Elle ne pouvait pas être là par hasard, elle a forcément compris. Alors pourquoi ne pas nous en parler ?

Mais ce n'est pas le plus important. Une pièce de puzzle longtemps restée égarée trouve sa place dans nos têtes. Nous avons trouvé.

Je ferme d'un geste brutal la machine entre mes mains, et la mets à brancher. Je sors de la chambre et m'assois sur mon lit. Les dessins datant de l'époque où j'étais encore une petite fille semblent me regarder dans le noir. Tu as trouvé. Vous avez trouvé. 

Tellement de temps à chercher, mais quand nous savons enfin, il est difficile de l'accepter. Je me retourne. Je n'ai pas sommeil. Il n'est que trois heures de l'après-midi, mais j'ai l'impression que depuis hier, deux ans se sont écoulés. Demain, il faudra aller le voir. Demain, il faudra connaître l'autre partie de la vérité, l'autre partie du puzzle, qui promet d'être bien plus sordide. J'ai envie d'être à demain, je sais que mon frère aussi.

Je regarde la fenêtre. Les rayons du soleil de fin d'été transpercent les stores métalliques de ma chambre. Leur lumière diffuse une ambiance calme et apaisée, contrastant avec l'état de mes neurones, de tout mon corps. J'ai envie d'aller vois Théo.

Pourquoi ? C'est la question que je me pose depuis qu'on sait.

Est-ce que c'est sûr ? J'aurais tendance à dire non, pas parce que je me défile mais la réalité est bien plus dure que l'imagination. Alors oui, c'est sûr. 

Elle est allée le voir. Pourquoi ne nous avoir rien dit ? Je n'ai pas pu voir la troisième personne. Je ne comprends plus rien, ma tête bourdonne et la seule chose que je veux faire, à ce moment-là, c'est dormir. Sauf que je n'y arrive pas.

L'adrénaline n'est toujours pas partie. Je tremble, pas de froid, mais d'excitation. Qu'est-ce qui nous attend, demain ? J'espère tellement que ce soit simple, mais justement, ce serait trop facile.

Ne dit-on pas que la vie est cruelle ? Je ferme les yeux et soupire.

PDV Margot, un jour plus tard.

Aujourd'hui, je veux voir Théo. C'est la résolution que j'ai prise après avoir mangé mon bol de céréales à midi, à cause de ma grasse-matinée. Il me manque, et je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi il ne veut plus me voir.

Enfin, ils, parce qu'Élise est dans le même cas. S'ils ont un problème, qu'ils me le disent, je vais tout faire pour les aider !

Je suis censée voir Séléné et Hélios, ce soir. Je suis heureuse de passer du temps avec mon amie, mais cela ne rendra le départ que plus déchirant. Malgré tout, je ne veux et ne peux pas l'abandonner maintenant.

En attendant, je m'habille simplement et sors de la maison. Ma mère est partie travailler. Elle a repris son travail à la librairie du Cygne, avec Nicolas. Hugo, je ne sais pas vraiment. Mais, sans vouloir être méchante, je m'en fiche.

J'essaie d'envoyer un message à Élise, aucune réponse. Pourtant, il y a écrit "lu". J'ai peur de ce qu'il va arriver. 

La maison n'est pas loin, mais le trajet pour y arriver me paraît plus long que d'habitude. Les rideaux sont fermés, de même que les volets, portes, stores, fenêtres... Bref, on dirait une maison barricadée. Les voitures des parents de Théo et Élise ne sont pas garées devant la demeure, j'en déduis qu'ils sont en voyage pour le travail. D'habitude, ils prennent une voiture pour deux.

Je toque. Aucune réponse. Je sonne.

J'entends des voix derrière la porte, comme la veille. Une grande agitation règne dans la maison. Théo finit par venir m'ouvrir.

Voir son visage me réchauffe le cœur. Il m'avait manqué, en un jour. Il a une expression sérieuse marquée au visage, malgré le petit sourire que je peux voir à ses lèvres.

Élise est derrière lui. Elle n'est pas souriante comme d'habitude, elle semble plutôt stressée. Qu'est-ce qu'il se passe ?

Je ne comprends pas.

— Bonjour, je lance.

— Bonjour.

La voix d'Élise est fatiguée, comme si elle n'avait pas dormi de la nuit.

— Vous... N'avez rien à me dire ?

Ils se regardent dans les yeux et se retournent vers moi, un sourire faux collé aux lèvres.

— Écoute, on va te dire la même chose qu'à Lemon mais non, pour l'instant, nous n'avons rien à te dire. On a juste besoin de temps. Est-ce que tu peux nous laisser un peu de temps ?

— Ça dépend combien de temps, je marmonne, suspicieuse.

— Une semaine, ça te va ?

Je relève la tête, sourcils froncés. C'est trop long, une semaine !

—  Mais, dans moins d'une semaine, c'est la rentrée ! Théo, tu dois partir et Élise, tu vas au lycée...

— Pour moi, c'est bon, murmure Théo. J'ai changé d'avis, finalement. Je ne vais plus à cette université.

— Et tu as réussi à en trouver une autre ? je m'étonne.

— Ce n'est pas le problème, répond Élise. Pour ma part, ce n'est pas la première fois que je sèche !

Je hoche la tête, lentement. Ils sont bizarres, tous les deux. Je fronce les sourcils encore une fois pour leur signifier qu'ils entendront encore parler de moi et sors de la pièce.

Ils ferment la porte derrière moi, et je ne les entends plus. J'aimerais savoir pourquoi ils refusent de me dire quoi que ce soit, pourquoi ils sont prêts à sacrifier des heures de cours pour ça.

Mais je ne peux pas compter sur eux pour me répondre. Je soupire et marche vers la rue des lilas, seule. Il me manque tellement, si il savait comment...

Further than Dawn I • Espoir [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant