Chapitre 40

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PDV Séléné.

L'horloge du salon affiche dix heures en demie du soir. Pourtant, pas question de dormir. La pièce est sombre, seulement éclairée par ma lampe de salon, et le carrelage est froid et glissant. L'odeur d'eucalyptus bien caractéristique de mon chez-moi m'envahit les narines et je soupire. Hélios est près de moi, sur les nerfs. 

Que se passe-t-il ?

Une heure que Margot est au téléphone. On entend des cris. Des pleurs. Des rires. Interdiction d'entrer. Mon père est parti seul dans Lyon après que l'on soit rentrés. Il devait aller voir quelqu'un.

À l'air grave affiché sur le visage de mon amie quand elle a décroché, je devine que l'heure n'est pas à la plaisanterie. Si seulement j'avais un indice sur la situation !

La cuisine, dans laquelle on l'a amenée pour qu'elle puisse poursuivre sa conversion à l'abri des oreilles indiscrètes – les miennes, en fait – est bien plus illuminée que le salon dans lequel nous nous trouvons, et offre un contraste détonnant.

Mon instinct me dicte de ne pas écouter à la porte, pourtant je meurs d'envie de le faire.

J'étouffe. Je ne m'étais jamais retrouvée dans une situation comme celle-ci, tu sais, quand tu ne sais absolument pas quoi faire, sauf attendre. Encore et toujours attendre.

Le ton de la voix de Margot, ses intonations lorsqu'elle à prononcé le prénom de Théo quand on lui a demandé ce qui se passait n'étaient pas sans nous laisser indifférents, à mon cousin et moi. Alors nous avons décidé d'attendre.

Je perçois un cri derrière la porte. Est-elle en colère ? Est-elle joyeuse ?

Je fais un tour de la pièce et Hélios me suit. Nous n'avons quasiment pas parlé depuis que nous sommes rentrés dans cette maison.

J'hésite à sortir. La nuit me fait toujours du bien, même dans les pires situations. Je finis par tourner la poignée de la porte d'entrée et laisse Hélios seul dans le salon.

Il fait frais, dehors, à cause du vent. Je m'enveloppe plus fort dans mon pull bleu. Je connais cette ville comme ma poche, mais le stress m'empêche de me concentrer facilement. Je m'engage dans la rue de l'harmonie, longe ses immeubles blancs et beiges, qui ressortent de couleur grise dans la nuit.

Il n'y a personne, ce sont ces moments-là que je préfère. Quand il ne se passe rien, que je peux dire ce que je veux, personne ne m'entendra. Ma peau brûle sous l'effet des nombreux coups de soleil que j'ai attrapés ces derniers jours en sortant le jour.

Tout ce que je veux, c'est profiter du monde, tant qu'il est encore là, tant que la vie s'offre toujours à moi.

Je leur ai dit qu'il me restait six mois à vivre. C'est faux. Pourquoi je mens ? Franchement, je ne sais pas.

C'est plus fort que moi. 

Je passe à côté d'un arbre, entouré d'une clôture de bois qui lui sert de prison. Lui non plus, il n'a pas le droit de vivre sa vie comme il l'entend. C'est triste, quand on y pense.

Je tourne à gauche et m'engage rue du Dr. Rebatel. Je me demande qui il est. Quelle est sa vie. Ou peut-être qu'il est déjà mort ? Avait-il des enfants ? Était-il heureux qu'une rue dans Lyon porte son nom ? Ou fuyait-il la célébrité ?

La rue est longue et je laisse mes pensées vagabonder. Elles ne font que ça depuis que je sais qu'il me reste peu de temps à vivre. Comme si penser et philosopher pouvait m'empêcher de ressasser, de ruminer des idées noires.

Je marche plus vite. Arrivée à la fin de la rue, j'hésite à revenir chez moi. Hélios doit m'attendre, quand bien même il est habitué à mes petites sorties nocturnes. Margot a peut-être fini sa discussion avec Théo ? Je pourrai enfin savoir ce qu'il se passe ?

Further than Dawn I • Espoir [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant