Chapitre 30

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J'étais dans un état second, je me sentais arrivée au croisement de ma vie qui, peu importe la direction que j'allais emprunter, allait être diamétralement différente.

Je pensais déjà avoir tout vécu, tout subi, tout supporté.

Je m'étais fortement fourvoyée.

Le coup de grâce avait donc été formulé par la bouche de Loki, sur le fait que j'avais quelque part une petite fille dont j'ignorais absolument tout.

J'avais un enfant.

- Loki je ... Explique moi !

- Tu ... Tu es sûr d'être prête à entendre la suite ? On peut faire une pause, si tu veux ...

Il s'exprimait avec tellement de douceur que j'eus l'impression d'être une petite chose fragile qu'il fallait absolument pouponner avec délicatesse, sans quoi j'allais m'effriter.

Je me mis à sourire nerveusement, parce qu'avec tout ce que j'avais vécu, j'étais plus proche du roc que de la poupée de chiffon.

- Putin ... Tu crois que je suis fragile ?! Que je ne peux pas supporter la vérité ? Si tu savais ne serait-ce que le tiers de ce que cet enfoiré m'a fait voir, tu n'utiliserais aucune pincette avec moi. Maintenant, explique-moi.

Mon ton employé avait été plus sec que je ne l'aurais voulu, mais je n'avais plus de place à cet instant pour la culpabilité.

La lueur étincelante dans ses émeraudes s'était enfuie pour laisser place à un voile opaque, et son sourire s'était estompé par la même occasion.

- C'était il y a à peine deux ans. Je trempais déjà dans les affaires de trafics en tout genre, parce que j'avais encore et toujours besoin de me stimuler, et que je prenais plaisir à manier l'échiquier sans que personne ne s'en rende compte. Et puis j'ai rencontré, par hasard, un homme qui voulait m'acheter des armes. Il était plutôt novice, ce n'était pas un grand homme d'affaires, il m'avait expliqué avoir un petit réseau efficace qui lui permettait de s'occuper correctement de sa femme et de son enfant. De fil en aiguille, j'ai commencé à travailler en direct avec lui. Il ne s'était pas moqué de moi, il me prenait que des petits lots, des revolvers principalement, ou des armes blanches, mais il venait très régulièrement.

J'étais pendue à ses lèvres, la patience ayant quitté mon corps, je tenais bon pour écouter son récit attentivement, parce que je savais que j'avais besoin de toutes les informations pour comprendre correctement comment tout ça a pu arriver.

- Un jour, il avait un besoin urgent un peu plus important que d'habitude, et je me souviens très bien que cette nuit-là, quand je l'ai rejoint devant chez lui avec la marchandise, il avait l'air pressé. Il m'avait retrouvé dans la rue, il avait une petite fille accrochée à ses jambes. Il m'a demandé de la garder juste le temps de faire l'allée retour, parce que sa femme travaillait de nuit et qu'il ne pouvait pas la laisser seule.

- Cette petite fille ...

Pour toute réponse, il hocha légèrement la tête, puis prit une longue inspiration pour poursuivre son récit.

- Je n'avais jamais été en contact direct avec un enfant humain. Généralement, les enfants ou les animaux me craignaient, c'était instinctif. Mais elle, cette petite aux grands yeux expressifs ne transpirait aucune peur. Quand son père s'est agenouillé pour lui expliquer qu'il allait rapidement revenir, et qu'en attendant elle allait devoir être sage avec moi, elle a juste hoché sa petite tête brune avant de me rejoindre, prenant ma main dans la sienne.

Je pouvais lire sur son visage une certaine nostalgie, les yeux dans le vide, il semblait absorbé dans son souvenir.

- Inutile de te dire que j'étais complètement démunie ... Elle cramponnait sa petite main autour de mes doigts comme si à tout moment elle allait se retrouver seule si elle me lâchait ... Contrairement aux autres, elle voulait plus que tout rester avec moi. Ça peut paraître anodin, mais au fur et à mesure que les minutes passaient, elle se dévoilait à moi. Elle avait un sacré caractère, ne mâchant pas ses mots pour me dire que j'avais la main gelée, et qu'elle avait froid. Je l'ai prise dans mes bras, elle ne pesait rien, et quand elle a encré ses grands yeux verts dans les miens, j'y ai lu beaucoup d'émotion. De la curiosité, de la pureté, de l'innocence ... Beaucoup d'émotions qui m'avaient manqué ... Enfin, quand son père est revenu, j'ai eu à la garder de la sorte plusieurs fois, et au bout d'un moment j'ai fini par demander si c'était vraiment sa fille, parce qu'elle n'avait aucun trait avec lui ou sa femme ... Et c'est là que j'ai appris qu'en fait il s'occupait de l'enfant d'une connaissance ... Et après encore, quand je gardais June, j'ai rencontré par la même occasion Massimo. Il ... Il lui rend visite, de temps en temps.

L'univers existe pour que tu existes (Loki)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant