Chapitre 30: Sans lui

609 28 8
                                    


Sabrina

Je sors de notre lit à six heure et demie pile. Pas une minute plus tôt ni une plus tard. Je m'assure de perfectionner tous les petits détails de ma routine depuis qu'il n'est plus là. J'en fait un point d'honneur. C'est une chose qui m'obsède désormais, tout comme le temps, le bruit et les gens.

Ce sont des choses qui me préoccupent beaucoup ces temps ci et généralement, lorsque que je me focalise sur celles-ci j'en oublie sa mort. J'oublie son regard livide. J'oublie la couleur de son sang. J'oublie l'odeur qui régnait cette nuit. J'oublie tout.

Je m'avance jusqu'à notre penderie, que j'ai remplie de ses vêtements il y a quelques semaines, et j'y enfile la même tenue qu' hier.  Tout mes vêtements se ressembles maintenant, car porter du noir fait partit de ma routine. J'en porte jour après jour pour l'honorer depuis qu'il est mort. Un pantalon de cuir ample, une chemise au bouton sombre, dont je retrousse toujours les manches, et des bottines plates. Je ne porte aucun bijou. Il les aimait bien trop pour que j'en sois capable.

Je referme les grandes portes de bois derrière moi, puis j'entre dans notre salle de bain pour finir de me préparer. Je brosse mes dents, en faisant bien attention à ne jamais croiser mon reflet dans le miroir. J'attache mes cheveux en un chignon bas et je plaque le devant pour ne pas que ma coiffure se défasse. J'attrape son parfum, bientôt vide, et je m'en asperge d'une petite quantité. Quand je le repose sur le bord de l'évier, à droite juste en haut de ma brosse à dents et que je me sens immédiatement plus seule, je le regrette tout de suite.

Il me manque tellement...

Je replace les draps de notre lit, mais seulement de mon côté, prenant soin de ne pas endommager le sien. Il détestait cela. Lorenzo détestait que l'on touche à ses choses. Je ferme la porte de notre chambre, exactement comme tous les autres jours auparavant. J'espère chaque fois que je les retrouverai entrouverte, son corps étendu en grand entre nos draps. Ce n'est jamais arrivé... pas encore au moins. Un jour, je me réveillerai de ce mauvais rêve. Enfin, ça, c'est ce que je me dis chaque soir avant de me coucher. Ce n'est jamais arrivé ça non plus... pas encore au moins.

Je descends nos escaliers couleurs crèmes et me précipite dans notre salle à manger pour déguster mon petit-déjeuner avant qu'il ne refroidisse. Je mange tous les matins à sept heures tapantes et il ne m'est encore jamais arrivé d'être en retard. Alors, que je sois présente ou non, les cuisiniers ont comme ordre de le servir à cette heure.

Je m'assois à table et seulement quelques secondes plus tard mon assiette m'est amenée. Mon plat est encore le même. Un œuf, cinq fraises, dix bleuets et une demie tranche de bacon, juste pour dire que je me permet des choses grasses quelques fois. C'est faux. Je n'ai jamais aussi bien mangé que depuis sa mort. C'est une autre de mes obsessions: ma santé.

Je ne mourrai pas. Je me l'interdit. Ce serait plus facile ainsi, je le sais, mais, et malgré toutes les fois où j'y ai songé, je me suis toujours retenue d'agir. Je lui dois ma vie, littéralement, alors la gaspiller serait comme cracher sur sa tombe. De plus, Lorenzo aurait aimé me voir vivre longtemps. Il aurait aimé que son enfant vieillisse avec une mère et non dans un de ses horribles centres, seuls, à se demander à toujours pourquoi nous l'avons abandonné. Je ne laisserais jamais cela arriver.

Je finis de manger dix minutes plus tard, toujours cloîtré dans le même silence habituel. Je ne parle que très rarement maintenant. Je ne vois plus personne en fait, alors parler m'est de plus en difficile. J'enfile un de ses manteaux, bien trop grand pour moi, et je sors de notre villa.

Je n'ai osé déménager après sa mort. J'ai préféré devenir comme son oncle, incapable de me séparer de quoi que ce soir qui lui appartenait. Je ne veux pas l'oublier, peu importe que cela fasse mal ou atrocement mal. Il aura à jamais une place dans mon cœur. Son sourire est gravé dans ma mémoire, même si j'ai toujours été la seule à le voir. Et son regard, qui parlait souvent à sa place malgré la noirceur de ses pupilles, hante mon esprit. Il m'arrive toujours de le revoir, quelques fois. Je l'imagine me fixer avec détresse, avant de me fuir une nouvelle fois, sans aucunes explications ni raisons. 

Captive du terrifiant Lorenzo liziri (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant