Le réveil était douloureux. Des mini danseurs de claquettes martelaient le crâne de Lyra avec leurs petites chaussures aux semelles métalliques. Plus sa bouche anesthésiée au champagne, il ne fallait pas être un génie pour comprendre que la soirée de la veille avait été arrosée.
Elle se souvenait vaguement d'avoir descendu plusieurs flûtes. Elle avait également accepté plusieurs danses, dont une avec la pieuvre. Enfin, elle espérait que ça se soit vraiment passé et que ce n'était pas une illusion due à l'alcool. Bien qu'éméchée, elle avait maintenu son rôle de Lysbeth avec le professionnalisme d'une comédienne. Elle se rappelait encore la tirade dithyrambique qu'elle avait sortie à un groupe de jeunes nobles, concernant les fèves bidules-chouettes et leur effet aphrodisiaque. Elle était certaine qu'une bonne partie de la noblesse de Polaris allait s'arracher les cheveux à force de chercher inlassablement un aliment imaginaire.
Il fallait qu'elle arrête les boissons avec des bulles ainsi que les petits fours au saumon, ça ne lui réussissait pas. Le miroir de plain-pied qui faisait face à son lit lui renvoya l'image d'une femme fatiguée et cernée, au teint aussi brouillé que les œufs que Madeleine lui préparait au château de Silverthrown. Elle était bien loin de l'image parfaite de la conteuse de la veille. En se grattant la tête, elle ressortit de ses cheveux emmêlés une barre beige et croustillante. Comment ce gâteau aux graines de sésames avait atterri là ?
Alors qu'elle s'apprêtait à replonger dans ses draps pour profiter d'une bonne sieste après sa nuit, les domestiques qui l'avaient préparé la veille firent irruption dans sa chambre. Elles levèrent Lyra à bout de bras et commencèrent à s'agiter autour d'elle. Pendant que l'une brossait les cheveux de la conteuse, une autre lui enfilait une robe, une encore lui passait une serviette humide sur le visage et une dernière la paraît de bijoux. Toutes quatre répétaient en boucle : « En retard. En retard. Nous sommes très en retard ! »
Et avant même que Lyra n'ait le temps de leur demander la raison de cet affolement, elle était déjà prête. Dans le miroir se tenait à présent une jeune femme aussi éclatante qu'elle l'avait été le soir du bal. Une robe aux nuances de bleu et de lavande cintrait sa taille et ses hanches. Sa bouche et ses yeux avaient pris une teinte d'un rose gourmand. Son cou et ses oreilles étaient habillés de fins bijoux en or blanc. Pour finir, ses cheveux avaient été attachés en une lourde natte qui pendait sur son épaule gauche.
Si Lyra n'avait pas peur de détruire son maquillage, elle se serait frottée les yeux. Ses femmes avaient des doigts de fées. La conteuse avait déjà entendu parler des marraines les bonnes fées qui, d'un coup de baguette magique, transformaient les paysannes en princesses, mais elle ne pensait pas qu'elles existaient réellement.
— Merci, leur souria-t-elle. Je ne peux qu'avouer être magnifique grâce à vous.
Les domestiques rougirent au compliment de Lyra et deux d'entre elles piaffèrent comme des poussins.
— Qu... Qu'est-ce que c'est ? demanda Lyra en apercevant dans son reflet une broche piquée à la naissance de sa natte.
Elle savait pertinemment ce que c'était. Elle avait admiré cette décoration sous toutes ses coutures. Un peigne à cheveux blanc, représentant des perces neiges. Un cadeau du Renard. Un cadeau empoisonné. Que faisait-il là ? Elle était persuadée de l'avoir laissée à Silverthrown.
— C'est un peigne, mademoiselle, commença l'une des femmes de chambre. Nous l'avons trouvé dans vos affaires. Il se marie à merveille avec vos bijoux. C'est un très bel objet que vous avez.
— Retirez-le, s'il vous plaît. Je ne l'aime pas, déclara Lyra en déviant son regard de son reflet.
Le peigne pesait trop lourd. Elle ressentait sa présence comme si une chape de plombs s'abattait sur elle. Avoir ça, c'était l'avoir lui à ses côtés. La veille était déjà de trop pour Lyra. Le revoir. Entendre sa voix. Le sentir si proche d'elle...
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La Conteuse & le Renard doré - En réécriture
RomanceSi Lyra Merryweather avait commencé à conter, c'était pour faire rêver les gens. Et aussi un peu pour l'argent... Parce que de l'argent, sa famille en avait besoin. Heureusement, sa réputation grandit jusqu'à atteindre les portes du château de Silv...