Chapitre 43 (Réécrit)

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Lyra avait compté cinq changements de garde depuis la visite de Damien. Donc, si la logique l'emportait, elle devait être ici depuis deux, peut-être trois jours ? Alors pourquoi avait-elle l'impression d'être enfermée depuis des mois ?

Sans connaissance de l'écoulement du temps, celui-ci semblait s'étendre à l'infini. Dehors, le jour réchauffait-il la nature, pendant qu'elle grelottait de froid ? Ou alors, c'est la lune qui veillait sur les endormis, pendant qu'elle peinait à fermer les paupières, allongée sur sa paille humide.

Il faut dire que l'environnement ne se prêtait guère à un sommeil réparateur. Entre la folle aux pierres qui ne s'arrêtait jamais de les compter, les prières du prêtre, les cliquetis des armures des gardes et ces satanées gouttes d'eau qui tombaient régulièrement du plafond. Ajouté à cela les grognements de son ventre. Lyra avait de quoi devenir folle.

Enfin, la bonne nouvelle, c'est qu'elle avait tellement mal au ventre à cause de la faim qu'elle ne ressentait presque plus de douleurs aux jambes.

Le problème lorsque l'on est enfermé avec soi-même, c'est qu'on ne fait que ressasser. En tout cas, c'est ce que faisait Lyra. Elle se remémorait toutes ses actions depuis son arrivée à Polaris. Le bal, les repas, les discussions avec Jude, avec Opale, avec Lysandre. Elle avait failli à sa mission tant de fois. Pourtant, elle avait quand même réussi à trouver des documents décisifs sur le conflit entre Aldonya et Ambrume.

Une part d'elle ne pouvait s'empêcher d'être fière. Sa dernière étincelle de fierté. L'autre part d'elle regrettait de ne pas avoir supplié Damien de la prendre avec lui. Maintenant, il devait être bien loin, accompagné d'Alphonse et de Kayden.

Si elle avait été dans une de ses histoires, le Renard doré serait venu la libérer, épée à la main, sur le dos de Stardust. Il n'aurait fait qu'une bouchée des gardes avant de la prendre dans ses bras musclés tout en lui promettant de ne plus jamais l'abandonner. Et, enfin, il l'embrasserait. Mais c'était ridicule... Jamais la jument ne rentrerait dans les couloirs étriqués de la prison. Et jamais Kayden ne l'embrasserait. Encore moins dans l'état dans lequel elle était.

L'odeur des cachots avait dû imprégner son corps à tout jamais, à tel point que son nez ne percevait même plus la puanteur des corps sales, de l'urine et de la moisissure sur les murs. Mais ce dont elle ne s'habituerait jamais, c'était de faire ses besoins dans un seau à la vue de tous. Elle l'avait peu fait, car son corps affamé n'avait plus rien à évacuer. Mais être témoin de ce spectacle n'était pas plus réjouissant.

Au moins, un domestique venait vider le contenu de temps en temps. Au départ, Lyra pensait que cela évitait les maladies de se propager au sein du sous-sol du palais. Elle a découvert, suite à la discussion entre deux gardes, que cela avait été mis en place, car certains prisonniers devenus fous lançaient leurs excréments sur les soldats. Charmant...

Le plus déshumanisant dans tout ça, c'était « le bain ». Lyra l'avait vécu une fois. C'était une fois de trop. « Le bain » consistait à lancer un baquet d'eau glacée sur les prisonniers, soi-disant pour les laver. Mais cela ne faisait que refroidir leur corps petit à petit, dans une cellule déjà bien assez fraîche. Et les gardes prenaient plaisir à cette pratique et poussaient la torture encore plus. Pour Lyra, ils avaient laissé la porte de sa cellule grande ouverte pour lui lancer l'eau. La promesse d'une liberté qu'elle n'aurait jamais. Ils savaient très bien qu'avec ses jambes brisées et son corps sous-alimenté, elle n'avait même pas la force de se mettre debout.

Elle avait préféré fermer les yeux pour ne pas assister à sa propre humiliation, à sa propre faiblesse. Lorsque l'eau vint lui fouetter le visage, dégoulinant sur ses cheveux, elle se mordit la lèvre aussi fort qu'elle le pouvait. Elle ne leur donnerait aucune satisfaction à crier comme les autres détenus.

La Conteuse & le Renard doré - En réécritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant