Dans un premier temps, Kayden voulait refuser l'invitation au bal d'anniversaire de Jude de Lior. La lettre était arrivée en même temps que celle de Lyra. Ce n'était pas une bonne idée d'y aller, lui aussi. La présence du capitaine de la garde de Silverthrown en plus de celle de la conteuse (accessoirement fille de traite) allait certainement éveiller les soupçons d'Opale et des autres fidèles de Childéric. Et puis, si Lyra l'apercevait, il risquait de finir six pieds sous terre.
Elle l'avait prévenue. Elle ne voulait plus jamais le revoir.
Son incertitude dura quelques heures. Oui, il était faible. S'il avait fini par accepter, c'était à cause d'Ellyana, Alphonse et Damien. La reine avait insisté pour ne pas laisser la conteuse seule dans un pays ennemi. Il fallait avouer qu'elle n'avait pas tort. La peur que Lyra soit démasquée empêchait le chevalier de fermer l'œil la nuit. Ça et le regard empli de haine qu'elle lui avait lancé, en plus de son poing dans la figure.
Alphonse et Damien avaient aussi montré leur réticence à laisser Lyra aux griffes des aldoniens. Donc, si le Renard doré avait répondu favorablement, c'était uniquement pour rassurer la reine et ses soldats. Et en aucun cas, car il s'inquiétait pour elle. Ou encore, parce qu'il redoutait qu'elle ne se rapproche trop de ce nabot de duc de Lomond.
Il était arrivé le soir même du bal. Ce n'était pas la première fois que Kayden visitait le palais de Polaris. Pourtant, il était toujours impressionné par l'architecture exceptionnelle et grandiose du bâtiment. Et cela lui rappelait les goûts ostentatoires de l'ancien roi tyrannique. Pas de doute, Childéric était bien originaire d'Aldonya. Il n'y avait qu'à voir les vestiges de son salon d'Émeraude. Kayden frissonna rien que d'y penser.
Les carrosses des invités s'arrêtaient devant les portes du palais. Des hommes et des femmes richement vêtus en sortaient, le visage masqué. Certains n'avaient pas peur du ridicule ni du mauvais goût. Est-ce qu'il venait de voir une pieuvre passer ?
L'invitation faisait mention d'un bal costumé. Kayden n'aimait pas particulièrement se déguiser, mais il ne quittait jamais son masque. Pour une fois, il passerait inaperçu au milieu de la foule.
Il emmena Stardust à l'écurie et se dirigea directement vers le cœur des festivités. Il devait sentir le poney, mais ce n'était pas grave. Il n'avait qu'une chose à faire : saluer Jude de Lior, afin d'endormir les soupçons sur ses véritables intentions. Ensuite, s'il pouvait surveiller le comportement d'Opale et de son fils et voir comment s'en sortait Lyra, c'était le petit plus. Puis, il partirait. Il n'avait pas besoin de s'éterniser. D'autant plus qu'Alphonse et Damien étaient déjà sur le coup.
Le Renard doré n'était là que pour les apparences, en tant que représentant d'une nouvelle paix entre Ambrume et Aldonya. Sa mauvaise foi lui donnait la nausée.
À l'entrée du palais, un garde vérifiait les noms des invités sur une liste. Au tour de Kayden, le garde l'étudia de haut en bas. En pointant du doigt le flanc du Renard, il lui demanda de lui confier toutes ses armes. La main sur le pommeau de son épée, Kayden hésitait. Il n'aimait pas être désarmé, encore moins dans un pays ennemi. Mais il n'avait pas le choix. Il devait faire profil bas. À contrecœur, il lui tendit la ceinture qui portait son épée et sa dague. Ses doigts restèrent accrochés quelques secondes encore, alors que le garde essayait de les lui arracher des mains.
— Il paraît que son altesse a prévu une surprise pour l'ouverture du bal. Les rumeurs circulent depuis plusieurs semaines. J'ai entendu la marquise de Pambleton mentionner un éléphant apprivoisé ! lança un homme derrière Kayden.
— Moi, j'ai entendu parler d'une troupe d'acrobates venue expressément du sud ! poursuivit son compagnon.
Le Renard lâcha son épée en marmonnant. Ils avaient tout faux. Lyra était bien plus extraordinaire qu'une pauvre bête sauvage apprivoisée ou que n'importe quelle troupe de cirque. Il passa devant le garde, ses pieds avançant plus vite qu'il ne le voulait. Ces deux idiots avaient réussi à l'énerver avec leurs spéculations grotesques. Ils n'étaient pas prêts pour le spectacle auquel ils allaient assister.
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La Conteuse & le Renard doré - En réécriture
Roman d'amourSi Lyra Merryweather avait commencé à conter, c'était pour faire rêver les gens. Et aussi un peu pour l'argent... Parce que de l'argent, sa famille en avait besoin. Heureusement, sa réputation grandit jusqu'à atteindre les portes du château de Silv...