Lyra attendait, pensive, assise sur l'un des canapés du salon d'Émeraude. Un salon portant drôlement bien son nom. Du mobilier à la tapisserie, du plafond aux coussins, des peintures aux tentures, la pièce était exclusivement composée de diverses nuances de vert.
D'ordinaire, Lyra appréciait cette couleur qui lui rappelait les collines verdoyantes et les printemps ensoleillés. Le vert, la couleur de la vie. Pourtant, ici, elle ressentait principalement un sentiment de malaise. L'air en devenait suffocant et les différentes teintes de vert la rendaient nauséeuse.
Après toutes les merveilles qu'elle avait entendues à propos du château de Silverthrown, Lyra était presque déçue. Cette pièce était tout simplement laide. Décorée de façon grossière et ostentatoire.
Les nombreux chandeliers couleur bronze se disputaient la place sur la devanture de la cheminée, ne laissant quasiment plus de place pour l'horloge incrustée de pierres. Des coussins de fourrure, aussi gros que la tête de Lyra, prenaient tellement de place sur les fauteuils qu'elle n'y avait posé que la moitié de son postérieur, de peur de les froisser.
La conteuse finit par se demander ce qu'elle faisait là. Des heures qu'elle attendait et toujours pas âme qui vive. Pourtant, la femme qu'elle avait croisée, une domestique avec une queue de cheval brune, lui avait assuré qu'on viendrait la chercher ici. C'était long ! Lyra s'ennuyait, et le tic tac sec de l'horloge la faisait monter en pression.
On frappa finalement à la porte et une domestique fit son apparition dans le salon. C'était une jeune fille petite et menue. Ses cheveux blonds vénitiens retombaient gracieusement le long de ses épaules en deux nattes parfaitement coiffées. De légères taches de rousseurs parsemaient le bout de son nez et de ses pommettes roses. Ainsi vêtue de son uniforme bleu ciel, elle faisait concurrence aux plus jolies poupées de porcelaine.
La tête baissée, la femme de chambre – qui ne devait pas avoir plus d'une quinzaine d'années – murmura d'une voix fluette à peine audible.
— Je... Je me prénomme Madeleine. Je serai votre femme de chambre tout au long de votre séjour au château. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, faites-le-moi savoir. C'est un plaisir de travailler pour vous, mademoiselle.
Et elle termina sa phrase par une rapide révérence.
— Ravie de te rencontrer, répondit poliment Lyra. Pas la peine de faire la révérence, je ne suis pas une lady. Et tu peux m'appeler Lyra, je n'aime pas trop les « mademoiselle », ajouta-t-elle en souriant.
La petite domestique était bien loin de ressembler à Marie. Mis à part l'écart d'âge, Madeleine était tirée à quatre épingles. Elle paraissait aussi douce qu'un agneau, et d'une timidité touchante. Marie, au contraire, était terriblement franche et avait une confiance en elle à toute épreuve. Quant à son uniforme de travail, il était constamment fripé et tâché de café. Il est vrai que cela ne devait pas être facile de rester propre lorsque l'on était la seule domestique d'une famille de six. Surtout lorsque la famille en question était les Merryweather.
— Pour être honnête, avoua Lyra, je commençais à m'inquiéter. On m'a demandé d'attendre ici. Ça va faire presque deux heures, constata-t-elle en regardant l'horloge. J'ai cru qu'on m'avait oublié.
— Je suis désolée ! Je devais venir vous chercher plus tôt, mais personne ne semblait être au courant de votre présence ici. Je vous ai cherchée dans tout le château, mais je ne pensais pas vous trouver ici. Le salon d'Émeraude n'est pas censé être ouvert au public, termina Madeleine en se triturant les doigts.
Madeleine se mordait la lèvre inférieure, un tic qu'avait souvent Obélia, la sœur de Lyra, lorsqu'elle était gênée. Lyra n'était donc pas la seule à se sentir mal à l'aise dans le salon. C'était rassurant. Elle avait peur que tout le château soit aussi mal décoré. Les pupilles de Madeleine se baladaient à travers la pièce sans se poser. À croire que c'était la première fois qu'elle mettait les pieds dans le salon.
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La Conteuse & le Renard doré - En réécriture
RomanceSi Lyra Merryweather avait commencé à conter, c'était pour faire rêver les gens. Et aussi un peu pour l'argent... Parce que de l'argent, sa famille en avait besoin. Heureusement, sa réputation grandit jusqu'à atteindre les portes du château de Silv...