Lyra frissonnait derrière le dos de l'homme masqué. Le paysage s'était obscurci autour de la petite troupe. Il ne tarderait pas à faire nuit.
Le vent s'était levé, glaçant ses membres endoloris par les heures de cheval. Une goutte pendait à son nez depuis un petit moment déjà. Et une idée machiavélique trottait dans son esprit. La cape devant elle ferait un très bon mouchoir.
Il ne méritait que ça. Être un mouchoir géant. Il était désagréable, grossier et fichtrement silencieux.
Et comme pour la contredire, ce qui énervait encore plus Lyra. Il ouvrit la bouche pour la première fois de la journée.
— Nous allons nous arrêter dans une auberge pour cette nuit.
Clair, net, concis. Qu'attendre de plus de cet homme ?
Cette bonne nouvelle ragaillardit Lyra, à tel point qu'elle n'envisageait plus de se moucher dans la cape de l'autre rabat-joie. Enfin, elle allait pouvoir se dégourdir les jambes, manger, dormir dans un lit et surtout manger ! Et si elle avait un peu de chance, elle pourrait même discuter avec des personnes aimables et civilisées. Le rêve !
La nuit était déjà bien installée lorsqu'ils arrivèrent devant une auberge en pierres et au toit de chaume. Les gardes mirent un pied-à-terre, aisément. Mais Lyra, engourdie par sa balade à cheval, ne sentait plus ses jambes ni son postérieur depuis un moment déjà. Les pieds ankylosés, elle glissa maladroitement du dos de sa monture. Incapable de se rattraper, elle se retrouva le derrière dans la poussière.
Un éclat de rire, rapidement maîtrisé, lui parvint à sa gauche. Elle n'en était pas certaine à cause de l'obscurité, mais le panda venait de se moquer de sa chute. Au moins un des trois avait des émotions. C'était rassurant.
— Allez demander des chambres et un repas, déclara l'homme sous son masque. Je conduis les chevaux à l'écurie.
Sur ses mots, il s'en alla, rênes en main, en direction de l'abri qui se dessinait à côté de l'auberge.
— Impressionnant. Il a fait une phrase de plus de dix mots. Il a dû épuiser son quota pour la journée.
Comme depuis le début de leur aventure, les deux soldats ne lui répondirent pas. Les poings serrés, Lyra se dirigea à grands pas vers l'entrée. Elle en avait assez de ce voyage, assez de ses gardes, et assez de ce froid de canard.
Elle ouvrit la porte avec fracas et pénétra dans une pièce remplie de monde. Une vague de chaleur l'enveloppa, saisissante et réconfortante. Les clients étaient assis en groupe, autour de tables rondes, richement garnis de plats fumants et de chopes pleines.
Un géant, à la musculature imposante, s'avança vers elle. Il tenait dans ses mains un large plateau en étain, sur lequel reposait une bouteille de vin d'un vert opaque ainsi que deux plats. De la viande de sanglier sur son lit de pomme de terre à la sauce forestière. Lyra en eut immédiatement l'eau à la bouche. L'odeur alléchante du repas acheva son estomac. Ce dernier se mit à gronder si fort qu'il couvrit les bruits environnants.
— J'imagine que vous êtes là pour manger un bout, supposa l'homme, un sourire jovial en direction de Lyra. Nous avons de la place là-bas, poursuivit-il en pointant du doigt une table au fond de la taverne, derrière un groupe de voyageurs qui visiblement n'était pas fâché avec l'alcool de l'établissement.
Le panda et l'asperge venaient de rejoindre Lyra. Et tous trois se dirigèrent vers leur table. Lyra avait bon espoir que l'atmosphère animée de l'auberge les dériderait. Qu'ils finiraient par parler, bien s'entendre et que la suite du trajet ne serait pas aussi monotone.
Raté. L'ambiance autour de la table était massacrante.
Heureusement, le géant vint à leur rencontre pour prendre leur commande. Il se présenta à eux sous le nom de Maximilien. Un prénom enfantin pour un gaillard de son envergure. Pourtant, Lyra ne put s'empêcher de penser qu'il lui allait à merveille. Avec ses courts cheveux bruns, ses yeux noisette, son inépuisable sourire et ses fossettes au creux de ses joues rondes, il avait une tête de Maximilien.
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La Conteuse & le Renard doré - En réécriture
RomansaSi Lyra Merryweather avait commencé à conter, c'était pour faire rêver les gens. Et aussi un peu pour l'argent... Parce que de l'argent, sa famille en avait besoin. Heureusement, sa réputation grandit jusqu'à atteindre les portes du château de Silv...