Il lui faisait face. De la même manière que le soir du bal. Son masque figeant une éternelle expression de neutralité sur son visage factice. Imperturbable.
Le visage de Lyra, lui, devait se décomposer à vue d'œil. Était-il offensé par ce qu'elle lui avait dit ? Venait-il chercher réparation ? Cela faisait des semaines que le Bal d'Hiver avait eu lieu. Ne pouvait-il pas tourner la page ? Il avait vraiment voyagé jusqu'à Rivermoore pour ça ?
Les trois hommes la saluèrent d'un claquement de talon, suivi d'un hochement de tête. Pas de doute, c'était bien des militaires. Alors qu'elle allait les questionner sur la raison de leur venue, sa mère la devança, agitant son éventail de plus en plus vite. Comment pouvait-elle souffrir de la chaleur lorsqu'il faisait si froid dehors ? Même avec sa cape encore sur les épaules, n'ayant pas eu le temps de la retirer, Lyra frissonnait.
— Ma chérie. Ne fais pas attention à ton père. Ces trois jeunes gens sont venus depuis la capitale pour te voir ! Il parait que tu as fait forte impression à leurs Majestés. Ce n'est pas étonnant si vous voulez mon avis, continua-t-elle en monopolisant l'attention des soldats. Ma fille est une conteuse hors pair. Les Wellington, nos plus proches voisins, ceux qui ont un troupeau d'oies dans leur jardin. Eh bien, ils souhaitaient recevoir notre Lyra au mariage de leur cadet. Bien entendu, ma fille a...
— Maman ! stoppa Lyra. Je ne suis pas certaine qu'ils aient fait tout ce chemin pour parler des Wellington.
— Ce que ta mère essaye de te dire, reprit monsieur Merryweather. C'est que tu es convié au château. Encore. Mais moi, ce que j'aimerais comprendre, c'est à quel moment tu y es allé une première fois ?
Voilà où Marie voulait en venir. C'était fini. Punie à vie dans sa chambre. Elle pourrait néanmoins se consoler avec du pain perdu. Il y avait pire comme façon de finir ses jours.
Attendez, elle était de nouveau invitée au château ?!
— Je suis désolée. Je ne voulais pas vous mentir.
— Pourtant, tu l'as fait, trancha monsieur Merryweather. Et en plus, tu as entraîné ta mère et tes sœurs dans ton mensonge. Et tu sais que le mensonge...
— N'est pas une affaire de famille, conclut Lyra d'un ton las. Je sais.
Si elle pouvait cesser de se faire réprimander comme une petite fille devant les trois hommes, cela serait déjà pas mal. Et maintenant, cette cape commençait à lui donner chaud. Heureusement pour elle, Enora prit la parole.
— Elle ne vous a pas écouté, et alors ? Ce n'est pas la première et ce ne sera certainement pas la dernière fois.
— Enora a raison, renchérit Cassandra. Vouloir nous protéger est tout à votre honneur, mais il est temps pour Lyra de sortir du cocon familial.
— En plus, Lyra m'avait promis de me rapporter un de ses châles à la mode de Silverthrown, donc elle doit y retourner, conclut Obélia, totalement désintéressée de sa toile.
Elle lui avait promis ça ? Première nouvelle. Sa sœur essayait clairement de lui soutirer un cadeau. Du style, je t'aide à partir, tu m'offres un truc. Est-ce qu'elle allait le faire ? Bien évidemment.
Monsieur Merryweather, qui n'avait que trop l'habitude avec les femmes de cette maison, s'affaissa dans son canapé. Il perdit un peu de sa superbe, dévoilant au passage de larges rides de fatigue aux coins de ses yeux.
— Je n'ai absolument aucune autorité dans cette famille, se lamenta-t-il.
— Eh oui, mon chéri, plaisanta madame Merryweather, une main affectueuse tapotant l'épaule de son mari. Lyra, demande à Marie de t'aider à préparer tes bagages.
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La Conteuse & le Renard doré - En réécriture
RomanceSi Lyra Merryweather avait commencé à conter, c'était pour faire rêver les gens. Et aussi un peu pour l'argent... Parce que de l'argent, sa famille en avait besoin. Heureusement, sa réputation grandit jusqu'à atteindre les portes du château de Silv...