Chapitre 14 (Réécrit)

56 12 4
                                    

Madeleine s'affairait dans la cuisine.

Pendant qu'elle étalait de la confiture de lait sur une tranche de pain grillé, la bouilloire se mit à jouer les cantatrices et hurla à qui voulait l'entendre que le thé était prêt. Munie de son tablier, elle s'en empara au-dessus du feu et versa le liquide rougeoyant dans une fine tasse de porcelaine.

La jeune domestique avait l'âme romantique et aimait que les choses soient belles à regarder. Alors, elle déplaça la tasse et sa coupelle un peu sur la droite, la tartine un peu plus sur la gauche. Elle finit par déposer un brin de cyclamen d'un violet profond. Examinant son chef-d'œuvre d'un œil expert, la jeune femme en fut satisfaite puis se dirigea vers la porte des domestiques.

Le château s'éveillait en même temps que le soleil montait dans le ciel. Les cloches des nobles sonnaient pour appeler leurs petits-déjeuners et les domestiques s'affairaient à les apporter rapidement. En général, Madeleine n'aimait pas les matinées au château. Tout le monde était trop pressé, trop angoissé. Enfin, ça, c'était avant de servir mademoiselle Merryweather. La jeune dame avait la douceur du soleil d'hiver et la vitalité de celui d'été. Maintenant, Madeleine se hâtait de lui préparer un petit-déjeuner gourmand.

Et justement, elle venait d'arriver devant la porte de sa chambre. D'une main, elle toqua tandis que de l'autre, elle tenait dans un équilibre parfait le plateau d'argent. Sans attendre de réponse, elle entra dans la pièce. Comme chaque matin depuis son arrivée, les rideaux avaient été ouverts et le lit fait. Madeleine leva les yeux au ciel.

— Mademoiselle Lyra, votre petit-déjeuner est servi.

Pas la moindre trace de la jeune femme. D'ordinaire, quand Madeleine arrivait avec un plateau, Lyra ne mettait pas bien longtemps à apparaître en s'humectant les lèvres.

La domestique posa le plateau sur la commode à l'entrée de la chambre et en profita pour repasser le lit au peigne fin. Elle n'avait pas grand-chose à rattraper. Lyra l'avait très bien fait, mais il en allait de son devoir de bien accomplir toutes ses tâches.

— Madeleine, tes tartines sont à se damner !

Cette dernière sursauta à l'entente de son prénom. Elle n'avait pas entendu Lyra entrer dans la chambre, une tartine déjà dans la bouche et la fleur violette piquée dans ses cheveux, à côté d'une sorte de broche blanche.

— Bonjour mademoiselle. J'espère que vous avez passé une bonne nuit.

— Très bonne, indiqua-t-elle, les yeux rieurs, en déposant un paquet enrubanné sur le lit.

Elle était débraillée. Les cheveux en pétards, la chemise chiffonnée, et est-ce qu'elle sentait le cheval ? Peu importe, plus rien ne l'étonnait venant de cette demoiselle.

— Mademoiselle, réprimanda gentiment Madeleine en montrant le lit. C'est mon travail de faire ce genre de tâche. Vous, vous êtes une invitée.

— Je sais, je sais, lâcha Lyra, exaspérée. Je n'ai pas l'habitude. À la maison, tout le monde s'occupe de ses affaires. Et puis, je préfère que tu passes du temps à préparer tes délicieux encas, plutôt que de faire mon lit !

Après avoir englouti ses deux tartines, Lyra se laissa entraîner par Madeleine. La domestique l'obligea à s'asseoir sur la chaise, face à la coiffeuse, pour le moment de détente. Elle empoigna l'imposante masse de cheveux brune à deux mains. Lyra Merryweather avait des cheveux à revendre. Brosse en main et épingles coincées entre les lèvres, Madeleine se demanda quelle coiffure elle essayerait aujourd'hui. Un chignon couronné de tresses ? Ou alors attaché devant et lâché derrière ? En tout cas, elle allait pouvoir s'en donner à cœur joie.

La Conteuse & le Renard doré - En réécritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant