Les festivités du Bal d'Hiver avaient pris fin depuis une semaine. De retour dans la demeure des Merryweather, Lyra vaquait à ses occupations. Tout était normal, comme si elle n'avait jamais quitté la maison. Son père, pris par son travail, avait à peine remarqué l'absence de sa benjamine. Cette dernière, assez fière de son stratagème, ne le criait néanmoins pas sur tous les toits, de peur de révéler sa courte excursion.
Le soir de son retour, ses sœurs, sa mère et Marie l'avaient attendue impatiemment dans la cuisine, guettant la porte arrière qui menait sur la cour. Assises autour de la table, les cinq femmes s'étaient précipitées sur Lyra pour l'enlacer quand cette dernière avait franchi le battant de la porte, emmitouflée dans son épaisse cape de fourrure.
Lyra avait à peine eu le temps de retirer son manteau qu'elles l'avaient assaillie de questions sur Silverthrown, le bal et les reines. Alors la conteuse, comme elle savait si bien le faire, leur avait raconté sa soirée. Elle avait décrit les décorations qui ornaient le palais, les fontaines de glace, les bouquets de fleurs aux parfums enivrants et les tables chargées de mets succulents. Elle avait tenté de fredonner les musiques qu'avaient jouées les musiciens, mais les mélodies s'étaient mélangées en une complainte de notes biscornues au bout de ses lèvres. Obélia, l'artiste de la famille, avait grimacé à l'écoute de cette valse dissonante. Enora, au contraire, avait bien ri.
Rapidement, il fut temps pour Lyra d'aller se coucher. Ses paupières papillonnaient, luttant pour ne pas sombrer dans le sommeil. À pas feutrés, elle se faufila dans sa chambre, prenant garde de ne pas se faire surprendre par son père. Une fois son sac jeté dans un recoin de la pièce et sa chemise de nuit enfilée, elle se jeta sur son lit. Le calme de la nuit était reposant. Le voyage de retour avait été tout aussi long et cahoteux que celui de l'allée. Le fracas des roues du carrosse contre les pavés résonnait encore dans sa tête.
Le bras contre son front, Lyra inspira profondément, heureuse d'avoir retrouvé sa maison. Ses boucles, enfin défaites de l'emprise de la natte serrée le matin-même par la douce Madeleine, chatouillaient son cou et ses joues.
L'image d'un homme se dessina dans son esprit. Son souvenir se rappelant à elle chaque jour depuis le bal. Comment oublier ses cheveux noirs et ses yeux gris ? Ce sourire et cette aura mystérieuse qui avait fait monter le rouge aux joues de la conteuse. Au moins, lui avait assez de courage pour montrer son visage, contrairement à un certain homme masqué, qui à sa simple pensée, mettait Lyra en colère.
Cet homme brun, elle avait oublié son nom, trop occupée à contempler les traits fins de son visage. Un parfait inconnu rencontré lors d'un bal. C'était le début parfait pour une belle histoire.
Elle se remémora les regards qu'ils avaient échangés. Juste après que Lyra fausse compagnie au groupe de nobles dont faisait partie l'homme masqué, un jeune homme s'était présenté à elle. Il était un duc de quelque chose, d'un royaume voisin. Elle n'avait rien écouté, troublée par l'effet que lui faisait le duc. Il était rare pour la conteuse de perdre la parole. Là, les mots restaient bloqués dans sa gorge.
D'un geste élégant, il l'invita à danser. Elle posa sa main sur la sienne, mais le son qui sortit de la bouche de Lyra à ce moment ressemblait plus à un gargouillement. Néanmoins, il prit cela pour une approbation et la conduisit sur la piste de danse. Il avait probablement l'habitude de faire cet effet.
De la même taille qu'elle, leurs yeux se faisaient face. Ses pupilles gris acier, soulignées d'un trait de khôl, étaient hypnotiques. À cette distance, Lyra y percevait des nuances de bleu. Son teint pâle faisait ressortir ses cheveux noir de jais. Des pommettes saillantes, une bouche joliment dessinée... Lyra n'avait cessé de contempler cet homme vraisemblablement modelé par les dieux. Et pour couronner le tout, il était un excellent danseur.
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La Conteuse & le Renard doré - En réécriture
Roman d'amourSi Lyra Merryweather avait commencé à conter, c'était pour faire rêver les gens. Et aussi un peu pour l'argent... Parce que de l'argent, sa famille en avait besoin. Heureusement, sa réputation grandit jusqu'à atteindre les portes du château de Silv...