— L'histoire que je m'apprête à vous conter se passe dans un temps ancien. Sur une terre lointaine. Une légende dit qu'il y a bien longtemps, les hommes cohabitaient avec les êtres surnaturels. Sur cette terre lointaine, entre les plaines mystérieuses et la brume traîtresse, se dressait le château d'un Laird prétentieux. Ce seigneur, à la bravoure qu'il disait sans égale, aimait obtenir tout ce qu'il pensait bon de posséder. Terres, femmes, animaux, trésors... Il vouait cependant une admiration particulière à tout ce qui avait trait à l'occultisme. Amulettes, pierres, grimoires, artéfacts magiques s'entassaient dans une pièce dont lui seul avait la clé. Gardant ainsi tous ces précieux objets à sa disposition, la poussière et l'humidité pour seules compagnes.
Surpris par la voix d'outre-tombe que venait d'emprunter la jeune femme, les invités tendirent l'oreille. Attentifs à la suite de ses paroles.
— Un jour, alors que le Laird arpentait ses terres à cheval, il eut vent d'un phénomène étrange. Un esprit blanchâtre serait apparu dans l'une des forêts voisines, il y a quelques jours de cela. Le seigneur, fier comme un paon qu'un mystère de cette ampleur ait lieu au sein de son domaine, chargea ses plus braves vassaux de partir en quête de cet esprit fantomatique. Tous connaissaient la soif de pouvoir et de possession de leur Laird. Rendus hardis par la promesse d'une belle récompense, ils partirent promptement à cheval. Dans ce fougueux cortège se trouvait un écuyer naïf, à la beauté candide. Encore jeune, il s'extasiait de vivre une telle aventure.
Lyra narra avec grandiloquence le passage de la recherche dans la forêt. Puis tout doucement, son intonation changea pour devenir plus douce, plus suave, plus sombre. Semblable à la mort personnifiée, elle décrivit la rencontre du jeune écuyer et de la Dame à la lanterne, le fantôme meurtri d'amour. Les nobles, absorbés par la voix de la conteuse, se tenaient les uns contre les autres. Certains ricanaient de la crédulité des plus peureux, jetant tout de même derrière eux des regards discrets. Histoire de s'assurer qu'aucun esprit ne rôdait autour d'eux.
— La dame s'immobilisa. Et lentement, doucement, précautionneusement, elle s'agenouilla à terre. Avec dévotion, elle contempla la lune un long moment. Puis, de ses mains blanchâtres, elle creusa la terre. Et plus elle creusait, plus des larmes translucides apparaissaient au coin de ses yeux, s'évaporant un instant plus tard dans les airs. Jamais l'écuyer n'avait vu une personne mettre tant de cœur à l'ouvrage. Bientôt, le trou devint si grand qu'il aurait pu contenir un corps adulte. Le jeune homme pensa immédiatement que la fosse lui était destinée. Pourtant, la femme, bouleversée, n'avait pas prêté la moindre attention à la présence de ce spectateur inopiné. Un long soupir fendit instantanément le cœur du garçon.
À ses mots, Lyra jura qu'un frisson parcourut l'ensemble de la foule. Elle conta la tragique histoire de cette femme mariée de force à un seigneur barbare. L'amour qu'elle portait à son amant, un homme bon et gentil qui mourut de la main de son mari. Son fantôme errant dans la forêt, transportant continuellement une lanterne, pour retrouver son âme sœur disparue depuis si longtemps.
À la fin de la représentation, quand la dame et son amant se retrouvèrent enfin, les invités applaudirent à tout rompre. Quelques-uns séchèrent les larmes aux coins de leurs yeux tandis que d'autres enlacèrent leur partenaire. C'est ce que préférait Lyra, être témoin de l'émerveillement qu'elle pouvait susciter chez les spectateurs.
La reine Thelma, debout sur son balcon royal, frappait vigoureusement dans ses mains. À côté d'elle, sa femme ne put contenir un rire amusé.
Lyra salua les reines puis son public. Les applaudissements de la foule accompagnaient les battements de son cœur. Elle eut du mal à descendre de l'estrade, les nobles lui bloquant le passage pour venir lui parler. Derrière elle, les musiciens reprenaient déjà leurs partitions et entamaient une valse dynamique.
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La Conteuse & le Renard doré - En réécriture
RomanceSi Lyra Merryweather avait commencé à conter, c'était pour faire rêver les gens. Et aussi un peu pour l'argent... Parce que de l'argent, sa famille en avait besoin. Heureusement, sa réputation grandit jusqu'à atteindre les portes du château de Silv...