Le Renard marchait, la tête baissée, à travers les couloirs du château, ressassant sa discussion de la veille. Il revoyait toute la scène. Le calme des cuisines. Lyra dans sa chemise de nuit, aussi envoûtante que l'était sa fantomatique dame à la lanterne. L'odeur du pain perdu. Et finalement, la révélation du meilleur dessert du monde !
Vous allez me manquer, Monsieur le Renard doré.
Il avait envie de se donner des baffes. Si seulement elle savait qu'ils allaient se revoir. Et plus vite qu'elle ne le pensait. Et si elle en connaissait la raison...
Assez !
Il devait se ressaisir. Son devoir allait envers Ambrume et ses reines. Il était le Renard doré, bon sang ! Les jambes qui flagellent, les joues qui chauffent, le cœur qui palpite, il laissait tout ça aux jeunes recrues.
D'autant plus que Lyra restait une potentielle menace pour la couronne.
Plus il essayait de l'imaginer et plus il trouvait cette idée stupide. Lyra, une espionne. Et puis quoi encore ?
— Mais regardez où vous allez, non ? Y'en a qui travaillent ici. C'est pas vrai ! Je vais devoir tout relaver, c'est malin !
Oh non, il avait envie de tout sauf de régler une querelle entre domestiques. Il n'en avait ni le temps, ni la patience. Mais il était obligé de passer par ce couloir pour rejoindre la chambre de Lyra. Les poings fermés et la mâchoire serrée derrière son masque, il marcha d'un pas rapide. Si on l'interpellait, il dirait qu'il était en mission pour Sa Majesté. Ce qui n'était pas faux.
En passant, il ne put s'empêcher d'analyser la scène. Son cerveau de guerrier avait l'habitude de tourner à cent à l'heure, de prendre pleinement conscience de son environnement, être bien préparé pour ne pas se faire surprendre.
Une domestique à genoux ramassait des draps éparpillés par terre. Son visage rouge de colère ressortait encore plus entouré de tout ce linge blanc. Un amas de domestiques, de courtisans et d'autres habitants du château s'était agglutiné autour d'elle. Se repaissant du spectacle tels des vautours.
Le Renard identifia le chancelier parmi ce groupe de curieux. Le vieil homme était à côté d'une femme d'une grande taille, à la chevelure brune. Sa voix ne laissa plus aucun doute quant à son identité. C'était la voix qu'il avait entendue pendant toute sa convalescence. Celle qui hantait ses plus beaux rêves.
— J'ai souvenir, commença Lyra Merryweather, que tu éprouves quelques difficultés à t'orienter dans ce grand château, non ? Sans doute la raison pour laquelle tu avances sans regarder devant toi. Peut-être désires-tu te reposer un temps. Il y a un confortable sofa vert qui n'attend que toi, rétorqua-t-elle en lui tendant une main pour l'aider à se relever.
Le Renard n'était pas un fin connaisseur des méthodes passives agressives. Il préférait de loin l'honnêteté, sans cacher ses véritables intentions derrière des mots doux ou des phrases alambiquées. Quitte à être trop brutale. Il comprenait bien mieux les actes que les paroles. Mais il sentait qu'un sous-entendu se cachait derrière le comportement de Lyra. De plus, les sourcils froncés et le sourire crispé de la conteuse indiquaient une certaine rancœur envers la domestique. Que s'était-il passé entre elles ?
Et l'histoire du sofa vert faisait tiquer le chef de la garde. Il n'y avait pas de mobilier vert dans le château. C'était la couleur de l'ancien roi. En l'exilant, Thelma avait supprimé toutes traces de sa présence dans le château. Ses portraits, ses blasons, sa couleur. Elle avait enfermé toutes ces reliques du passé dans le Salon d'Émeraude. Mais il était fermé au public. Lyra ne pouvait pas connaître son existence... À moins qu'elle ait fouillé.
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La Conteuse & le Renard doré - En réécriture
Roman d'amourSi Lyra Merryweather avait commencé à conter, c'était pour faire rêver les gens. Et aussi un peu pour l'argent... Parce que de l'argent, sa famille en avait besoin. Heureusement, sa réputation grandit jusqu'à atteindre les portes du château de Silv...