Dans la prison du palais de Polaris, il y avait deux personnes assises l'une à côté de l'autre, séparées par des barreaux de fer. Elle lui tenait la main pour lui donner du courage. Il ne pouvait quitter son regard de braise.
— Je suis natif d'un tout petit pays du sud, aujourd'hui rayé des cartes. Malgas. Il ne vous dit sans doute rien, c'est normal, c'était une ancienne colonie d'Ambrume, commença Kayden.
Il se racla la gorge, visiblement il lui était difficile de parler de son passé.
— Mes parents étaient pauvres, comme tous les habitants de cette terre. Nous ne vivions qu'aux dépens des grandes puissances du nord, Ambrume principalement. Elles nous donnaient des ressources telles que des céréales, de la viande ou des légumes. De notre côté, nous leur échangions une main d'œuvre solide et peu onéreuse. Mais la population était vieillissante et la majorité des personnes en âge de travailler avait déjà été envoyée dans les grandes capitales. Alors après les hommes et les femmes majeurs, ce fut au tour des adolescents de partir. Chaque année, l'âge de départ baissait. J'avais huit ans. Bien trop petit pour quitter le pays. C'est ce que me répétaient les grandes personnes pour ne pas inquiéter l'enfant que j'étais. J'étais trop jeune, je ne comprenais pas. Je pensais rester auprès de mes parents toute ma vie, aller à l'école, jouer avec mes amis.
Année 17XX, dans un petit village de Malgas.
On toqua à la porte d'une petite maison en chaume. Le tambourinement contre le bois était violent comme un coup de tonnerre. Trois hommes, ou plutôt trois colosses, pénétrèrent dans la pièce de jour qui servait également de cuisine et de chambre des enfants. La famille attablée devant son maigre repas regarda incrédule ces intrus arborant l'uniforme de la garde royale d'Ambrume. Les deux parents et le plus jeune fils avaient tous une chevelure brune, seule une tête rousse contrastait dans ce tableau familial. Pourtant, on ne pouvait contester le lien de parenté tant les yeux verts des deux frères et de leur mère étaient identiques.
— Madame, Monsieur, le royaume d'Ambrume demande à ce que tous les enfants de 6 à 10 ans rejoignent Silverthrown, la capitale.
— Vous ne pouvez pas obliger de si jeunes enfants à travailler dans les champs, s'indigna le père tout en passant une main protectrice devant son fils le plus proche.
— Travailler oui, mais pas dans les champs, Monsieur. Les plus jeunes enfants seront conduits dans une école construite spécialement pour les enfants des colonies. Ils recevront une bonne éducation pour ensuite faire partie intégrante de la puissance d'Ambrume.
— Je ne sais pas, réfléchit la mère. Ils sont si jeunes. Ils ont besoin de leurs parents.
— Mais leurs parents ont besoin d'argent, ajouta un des soldats en jetant une bourse sur la table.
Le cliquetis des pièces retentit dans toute la petite maison. La mère, d'abord méfiante, s'empara de la bourse et tout en l'ouvrant jaugea le montant. Elle n'en revenait pas. Avec ça, ils pourraient vivre aisément pendant une année et demie, et plus encore si les deux enfants n'étaient plus à leur charge.
— Si vous nous donnez les enfants maintenant, vous aurez une deuxième bourse immédiatement.
— Vous nous promettez que c'est pour le bien de nos fils. Qu'ils iront dans une bonne école et deviendront des citoyens d'Ambrume.
Les trois gardes affirmèrent d'un hochement de tête. Alors la mère, les épaules tombantes, lança un regard à son mari. Il récupéra la bourse. Tous deux étaient d'accord.
Les deux garçons suivaient l'échange entre les adultes. Bien que le plus jeune ne comprenait rien à la discussion, le plus âgé avait parfaitement saisi. Leurs parents venaient de les vendre.
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La Conteuse & le Renard doré - En réécriture
RomanceSi Lyra Merryweather avait commencé à conter, c'était pour faire rêver les gens. Et aussi un peu pour l'argent... Parce que de l'argent, sa famille en avait besoin. Heureusement, sa réputation grandit jusqu'à atteindre les portes du château de Silv...