Chapitre 40

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Lyra se réveilla avec des courbatures effroyables. Son ventre, ses côtes, son dos, ses jambes, ses bras, son cou, même ses orteils la faisaient souffrir. Elle était emmitouflée dans une couverture d'un blanc immaculé. Prisonnière d'un lit terriblement confortable. Tout était propre autour d'elle. Le plafond, les murs, le mobilier et même l'air était pur et frais. Elle réussit à s'extirper de ses draps et s'asseoir sur le matelas moelleux. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas profité d'un tel luxe. Elle prit la couverture à deux mains et enfouit sa tête à l'intérieur. Elle respira profondément, gonflant ses poumons d'une odeur aussi saine. Une senteur parfumée vient lui chatouiller le nez, sucrée comme un fruit et doux comme un bonbon. Elle éternua bruyamment.

La secousse lui fit prendre conscience de l'endroit où elle se trouvait. Des rideaux bleu ciel, des murs d'un jaune pâle, du mobilier patiné, une coiffeuse parfaitement rangée et des cadres représentant des paysages bucoliques. La pièce ressemblait étrangement à la chambre qu'elle empruntait lorsqu'elle se rendait au château de Silverthrown. Elle se leva difficilement, ses pieds nus touchèrent le sol glacé ce qui lui procura un frisson dans tout le corps. Grognant de douleur à chaque pas, elle s'avança pour faire face au miroir de la coiffeuse. Il reflétait l'image d'une jeune femme amaigrie, la peau terne, les lèvres gercées et les yeux creusés. Mais elle était lavée, les cheveux démêlés et habillée d'un pantalon de lingerie en coton et d'une chemise à bretelle en dentelle lavande. Depuis le temps, la joue sur laquelle Opale de Lomond l'avait frappé avait désenflé. Lyra essayait de se remémorer les derniers évènements, mais rien ne lui revenait. Elle et Kayden s'étaient enfuis d'Aldonya grâce à Lysandre, et puis...

Kayden ! Est-ce qu'il allait bien ? Où était-il ?

Pris d'une peur soudaine, elle sortit précipitamment de la chambre et se mit à courir dans les couloirs. Une chose était sûre, elle était bel et bien à Silverthrown, elle reconnut le marbre caractéristique du château, les piliers lisses, les tableaux aux figures sombres, les escaliers en colimaçons.

Sur son passage, les domestiques pestaient en voyant une personne se hâter de la sorte, en petite tenue de surcroît. Au détour d'un carrefour, Lyra aperçut Madeleine, une cruche et une bassine d'eau dans les mains. Elle se précipita vers la domestique. Le souffle court, elle s'appuya sur les épaules de Madeleine.

— Mademoiselle, s'étonna Madeleine folle de joie. Vous êtes réveillée !

— Kay, où est-il ? réussit à souffler Lyra.

— Qui ça ?

— Le Renard !

La jeune domestique lança un regard derrière elle.

— Je crois qu'il est dans la salle du trône...

Lyra n'attendit pas la fin de sa phrase et déguerpit à vive allure. Le claquement de ses pieds nus sur le carrelage résonnait à un rythme régulier.

— Avec ses Majestés et le conseil de guerre, termina Madeleine dans le vide.

Une fois devant les portes menant à la salle du trône, le soldat qui gardait l'entrée fut tellement étonné par le drôle d'accoutrement de la femme devant lui qu'il ne parvint pas à la retenir. Tête la première, Lyra ouvrit en grand les deux portes et pénétra dans la pièce. Elle vit immédiatement les cheveux roux de Kayden. C'est devant lui qu'elle termina enfin sa course folle. Elle n'arrivait même plus à respirer et soufflait bruyamment, les mains sur les genoux. Les deux reines ainsi que leurs conseillers et conseillères se jetaient des regards incompréhensifs face à cette scène peu commune.

Lyra se redressa et plaqua ses deux mains sur le visage de Kayden.

— Tu vas bien ?

Les joues et les oreilles du jeune homme rougirent violemment. Tous les regards étaient posés sur eux, ce qui l'embarrassait, lui, le chef de la garde. Mais le plus terrible, c'était l'habit de Lyra. Personne n'avait idée de vadrouiller en sous-vêtement dans un château et surtout pas de faire irruption en pleine réunion cruciale à la survie du royaume. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de l'admirer. Son air inquiet, ses yeux ambrés brillants de détermination, et ses lèvres pincées par l'angoisse. Ses lèvres. Il les fixa un moment avant de revenir à l'instant présent. Puis posa une main sur la sienne.

— Je vais bien Lyra. Mais disons que là c'est pas vraiment le moment, dit-il un sourire en coin.

Elle se tourna vers les spectateurs. Thelma restait la bouche ouverte, visiblement très surprise par la récente proximité entre la conteuse et le garçon qu'elle avait pris sous son aile. Ellyana, elle, avait un grand sourire, le sourire de quelqu'un qui sait.

— Je suis sincèrement désolée, s'excusa précipitamment Lyra vers les deux reines. Et veuillez excuser mon apparence.

Elle se baissa pour faire une révérence mais ses jambes cédèrent, la jetant au sol.

— Lyra !

Kayden, s'agenouilla à ses côtés.

— Désolée, j'ai eu tellement peur que tu sois blessé ou mort, j'ai pas vraiment réfléchi, mon corps a réagi tout seul. Mais maintenant il n'a plus la force de me porter, murmura-t-elle gênée.

— Voyons mon enfant, s'empressa Ellyana. Regagnez votre chambre. Vous êtes épuisée.

— Garde, aidez la conteuse à regagner ses appartements et donnez-lui votre cape, ordonna Thelma.

L'homme de tout à l'heure déposa son habit sur les épaules de la jeune femme. Kayden l'emmitoufla à l'intérieur et la souleva dans ses bras.

— Kay, mais... ?

— Je la ramène dans sa chambre, déclara-t-il. Garde, à la place appelez la doctoresse et dites-lui que Mademoiselle Merryweather est réveillée. Vos Majestés, membres du conseil, excusez mon impolitesse, je reviens dans peu de temps.

Et déjà, il franchissait le pas de la porte, Lyra toujours dans ses bras.

— Non attends, s'énerva-t-elle, je dois dire à Thelma pour Childéric.

— Je lui ai tout raconté ne t'inquiète pas.

Elle lui lança un regard noir.

— Et bien sûr je lui ai dit que c'était toi qui avais eu ces informations. Ton père n'est pas encore acquitté, mais si l'assaut contre Childéric fonctionne, il sera libéré.

Elle ne l'avait pas encore remarquée avec toutes ces péripéties, mais elle voyait le visage de Kayden. Elle voyait ses yeux, son nez, ses taches de rousseurs, sa bouche, ses cicatrices. Pas le regard neutre et inexpressif du Renard doré, mais bien celui perçant et profond de Kayden.

— Ton masque ?

— Je l'ai perdu à Polaris. Avec tout ce qu'il s'est passé, je n'ai pas pensé à en remettre un. Et puis maintenant que les gens du château ont vu mon visage, ça ne sert à rien de me cacher.

Ils arrivèrent rapidement dans la chambre de Lyra. Kayden eut beaucoup de difficulté à ouvrir la porte, ses deux mains étant prises. Finalement, il réussit en la poussant avec son coude puis sa jambe. La situation fit rire Lyra, son souffle caressant le cou de Kayden. C'était tellement agréable de l'entendre rire de nouveau. Il s'assit sur le lit pour la déposer mais s'arrêta net. Il n'avait pas du tout envie de rompre le contact avec la chaleur de son corps. Alors, au grand étonnement de Lyra, il resta assis, elle reposant sur ses jambes. Puis, lentement, comme s'il redoutait la réaction de la jeune femme, il posa sa tête rousse sur son épaule et l'enlaça.

— J'ai eu tellement peur. Tu étais fiévreuse tout le trajet et en arrivant ici, tu ne te réveillais pas. Mais j'étais obligé de continuer, c'était trop dangereux. C'était ... C'était affreux, sa voix tremblait.

Elle passa une main dans ses cheveux pour le calmer. Ils étaient doux, mais pas comme les poils d'un renard.

— Tout va bien. Je vais bien. Je suis en pleine forme, murmura-t-elle.

— Tu arrives à peine à tenir debout et tu es encore chaude.

Ils restèrent dans cette position un moment avant que Kayden ne rompt le silence.

— C'est pour ça que tu dois rentrer chez toi à Rivermoore. Ta mission ici est terminée.

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Chapitre 40 et 58 676 mots au total pour le moment. 

Mais ce n'est pas encore terminé. L'aventure continue. Ou peut-être pas pour Lyra.

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La Conteuse & le Renard doré - En réécritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant