51. Privation

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Mon fils commença à s'impatienter et me sortit de ma rêverie. Je plonge la petite cuillère dans sa compote et lui tend. Il ouvrit instinctivement la bouche et aurait mangé la cuillère s'il avait pu. Il a toujours un appétit d'ogre même après être passé aux aliments solides. C'est bien Eduard qui doit finir tout le garde manger de la maison à lui tout seul. En même temps, je n'ai pas le cœur à manger et il est encore trop jeune pour se rendre compte que son père est parti. 

Pour lui, les journées sont les mêmes. Il découvre la maison à quatre pattes. Il aime bien vider l'étage du bas de la bibliothèque. Il essaye de manger tout ce qu'il trouve. Bref, il se dépense et se requinque dans des longues siestes. Ce n'est que pendant qu'il dort que je peux pleurer silencieusement pour ne pas qu'il m'entende...

Pour moi, les journées se ressemblaient. Je me réveillais dans un lit vide. Je tournais en rond dans la maison. Je lis tous les livres que je connaissais déjà. Je coud pour m'occuper. Et je scrute l'horizon dans l'espoir d'apercevoir une silhouette au loin. 

Je restais assise dans le fauteuil où Livai avait l'habitude d'y lire en sirotant son thé. Dans l'espoir d'y ressentir quelques sensations, une présence. Chaque jour, il me manquait un peu plus. Son visage s'effaçait petit à petit dans ma mémoire. Nous n'avions jamais été séparé aussi longtemps. Est-ce qu'il pense à nous de temps en temps? Où est-il? Est-ce qu'il est en vie? Je n'en savais rien. Je vivais dans ce doute qui devint routinier. 

Peut-être qu'au bout d'un moment, je finirais par l'oublier. 

___

Loin... très loin d'ici. 

Le bateau s'éloignait petit à petit de l'île jusqu'à ce qu'elle ne devienne qu'une tâche dans l'océan. Cette étendue d'eau qu'ils ne pensaient jamais voir. Le caporal sortit sur le ponton pour la regarder disparaître au loin. Il ne savait pas quand est-ce qu'il allait la revoir. Il s'accouda à la rambarde et soupira longuement. 

Hanji, qui discutait avec Onyankapon un peu plus loin, remarqua son ami et camarade de longue date. Il fixait l'île d'un air triste. Elle comprit aussitôt le fond de ses pensées.

Elle-même, ses embrassades avec Violet et son filleul avaient été expéditifs. Elle lui avait envoyé une lettre ou deux depuis qu'ils étaient partis. Mais la communication était désormais impossible. La brune semblait évidemment regrettée son choix mais Livai avait peut-être eu raison: Eduard ne méritait pas d'être privé de ses parents à cause de la guerre. Même si Violet aurait été un élément important pour cette mission. C'était son instinct maternelle qui avait pris le dessus et Hanji acceptait désormais cette décision. 

Depuis qu'ils étaient sortis des murs, le caporal semblait silencieux. Il se perdait très vite dans ses pensées. Dans ces moments-là, il frottait juste son alliance afin de se calmer. 

Il n'arrivait plus à bien dormir. Alors que ses nuits avaient été courtes depuis la naissance de son fils. Est-ce qu'il pensera à lui de temps en temps? Est-ce qu'il se souviendra ne serait-ce que de son visage? Il était assez ridicule de penser ça. Eduard était trop jeune pour avoir un souvenir de son père. Et il devait vivre désormais avec ce doute qui devint routinier. 

L'histoire d'une soldate [Livai x OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant