Chapitre 10 - Mission impossible.

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Point de vue Thaïla

Santiagõ, Mexique.
Milieu d'après-midi.

Nous étions arrivés à Santiago, le village où j'étais déjà venue avant d'être assommée par un fou armé. Rayan affirmait que si j'avais réussi à atteindre le village à pied, la voiture ne devait pas être loin. J'essayais de me souvenir du chemin que j'avais pris depuis la voiture, mais en vain. Cela faisait presque trois heures que nous cherchions le véhicule sans succès. La chaleur était accablante et malgré la bouteille d'eau que Rayan m'avait donnée, je me sentais de plus en plus déshydratée.

Rayan remarqua ma peau moite à cause de la chaleur, me fit un petit sourire et dit :

— On dirait que tu n'es pas habituée à la chaleur ! Évidemment, quelle surprise !

J'en avais assez de tourner en rond, et je pouvais sentir mon estomac gargouiller à plusieurs reprises.

Bon, on va rentrer, déclara Rayan, l'air déçu. Tu sembles avoir faim !

J'avais effectivement très faim, mais j'avais surtout peur de perdre du poids. J'avais mis des années à en prendre pendant mon séjour en Amérique. Mon corps mince et mes petites formes me gênaient. J'avais déjà fait des crises d'angoisse à cause d'un seul repas manqué. La peur de maigrir me hantait depuis mon adolescence.

« Tu ne fais pas ton âge. Tu es trop maigre, tu n'as pas assez de formes. Ça ne se vend pas bien ici. Mais... ton côté exotique peut être un atout. »

C'était tout ce que je valais ?

Les mots de Ùri me revinrent en tête. Tout au long de ma scolarité, je m'étais comparée aux autres filles aux formes plus généreuses.

Il a raison. Tu es plate. Maigre. La peau sur les os.

Il y a quelques années :

Mathieu, un voisin de quarante ans, me croisait dans l'ascenseur de mon immeuble après l'école. Cela faisait longtemps que nous n'avions pas discuté. En entrant dans l'ascenseur, je le vis me scruter pendant un moment avant qu'il ne me demande, avec un faux sourire :

Salut Thaïla ! Tu as quel âge maintenant ?

Dix-huit ans, répondis-je sèchement.

Je n'aimais pas du tout sa façon de m'observer, comme si j'étais une œuvre d'art exposée dans un musée.

Il me regarda d'un air incrédule pendant quelques secondes avant de déclarer :

— Ah... on dirait que tu ne fais pas ton âge.

Puis il sortit de l'ascenseur, me laissant seule avec mes complexes qui me rongeaient déjà de l'intérieur.

C'était ainsi pendant toute ma puberté. Tous ceux qui se croyaient en droit de critiquer mon apparence prenaient un plaisir fou à me rabaisser.

« Regarde-toi, tu fais encore fillette. »

« On dirait que tu as 14 ans. »

« Il faut manger, ma fille. Ne reste pas maigre comme un clou ! »

« Tu es toute maigre. »

Tous mes camarades de classe.
Tous mes amis.
Tous les membres de ma famille.

Nous allons plutôt passer par la jungle pour le retour. La voiture est de l'autre côté, mais nous prendrons des sentiers. J'avais oublié que c'était un raccourci.

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