Love & friendship

Chapitre 19

- Charlène -

Dimanche 10 avril 2022

Cela fait à peine plus de quarante-huit heures et pourtant j'ai la sensation que cela fait des semaines entières. C'est la première fois que nous nous disputons avec Charles. Une vrai dispute je veux dire. Évidemment on se chamaille pour savoir qui va choisir le film, ou parce que je suis arrivée pour la énième fois en retard, mais rien de sérieux.

Cependant, cette fois ce n'est pas le cas. Je le vois tous les jours car nous travaillons ensemble, mais malgré ses tentatives de discuter vendredi, la situation n'a pas évoluée. Je ne veux pas l'écouter. L'ambiance entre nous est plus tendue qu'elle ne l'a jamais été, et même si je lui en veux énormément et que je refuse d'écouter ses justifications pour l'instant, je sais que ça ne durera pas.

Parce qu'agir comme si nous étions deux simples collègues me tue.
Parce que même si ce sentiment de trahison me dévore, et me force à lui en vouloir : il me manque.

Mais il y a autre chose, une sensation étrange, nouvelle, inconnue et que je n'arrive pas à saisir qui me hante depuis notre dispute jeudi soir : ce frisson, cette chaleur qui prend possession de mon corps lorsque je revois la scène. Je peux encore sentir ses doigts frôler chacune des marques sur mon corps et rien qu'à cette idée je sens mes joues rougir, mon souffle s'accélérer et mon coeur s'emballer.

J'ai d'abord été surprise qu'il se rappelle de chacune de mes cicatrices.

Ensuite je me suis souvenue qu'il m'avait aidé avec les pansements et les soins pendant de nombreuses semaines.

Puis j'ai réalisé que cela faisait un an et demi au moins qu'elles avaient guéries.

Comment pouvait-il se rappeler si précisément de leur tracé exact ?

Alors que je rencontre ses yeux verts qui m'interrogent silencieusement, je réalise que perdue dans mes souvenirs et dans mes réflexions je ne me suis pas rendue compte que je le fixais. Rapidement je détourne le regard, en espérant qu'il n'ait pas lu sur mon visage tout le trouble ressenti en repensant à ses mains sur mon corps jeudi ...

Un trouble qui ne devrait pas exister, et que je tente d'expliquer par la fatigue et la colère.

Charles est mon meilleur ami, et ce même si je lui en veux, sa proximité ne peut donc pas me troubler de la sorte. Non. C'était forcément autre chose.

Il soupire réalisant que je reste obstinément murée dans le silence toujours pas décidée à lui laisser une chance de s'expliquer, mais alors qu'il s'apprête à quitter sa driver-room, un noeud dans l'estomac me force à faire une trêve, au moins le temps de la course.

« Charles, je l'arrête en posant ma main sur son poignet. Sois prudent s'il-te-plait. »

Je pense d'abord qu'il ne va pas me répondre et qu'il va simplement m'ignorer comme je le fais avec lui depuis deux jours, mais après quelques secondes d'un silence presque pesant, Charles se décale vers moi. Il se penche pour m'embrasser doucement sur la joue alors qu'il libère son bras de ma prise pour venir glisser sa main dans la mienne qu'il serre quelques instants.

« C'est promis. »

Il murmure sa réponse, plonge quelques secondes son regard dans le mien, puis me laissant le coeur complètement en vrac plus que troublée par cet échange, il sort finalement de la pièce pour rejoindre le garage.

***

Si ce n'est assurément pas la course qu'il espérait en partant de la première ligne, de mon côté vu la pluie qui est tombée durant le Grand Prix je me dis qu'au moins il a fini la course en un seul morceau même si une légère sortie de route a bien manqué de me tuer et lui a coûté son podium. Je sais que je lui en veux, mais ça ne m'empêche pas de m'inquiéter pour lui. Bien au contraire.