Love & friendship

Chapitre 45

- Charlène -

Mardi 2 août 2022 (Italie)

Bien calée contre l'appuie-tête le regard tourné vers la vitre côté passager, j'observe le paysage défiler autant que la vitesse me le permet. Il est encore tôt et le trajet est plutôt silencieux. La main de Charles posée sur ma cuisse a un côté réconfortant mais nous sommes tous les deux perdus dans nos pensées qui même si elles diffèrent peuvent assurément être reliée au même élément : cette grossesse inattendue.

Nous sommes actuellement en route pour Maranello où nous avons demandé un entretien avec Mattia, notre patron et ma responsable afin de leur annoncer officiellement la nouvelle. Il est temps, et puisque nous sommes tous les deux embauchés par l'écurie italienne nous sommes dans l'obligation de le faire sachant que cela aura forcément un impact sur nos carrières. Si notre relation n'est plus vraiment un secret pour personne au sein de l'équipe tant nous faisons peu d'efforts pour la cacher, ils doivent cependant s'attendre à ce que nous ayons demander ce rendez-vous parler de l'officialisation de notre relation qui ne pose pas de réels soucis au sein de l'écurie.

Autant dire qu'ils risquent d'avoir un sacré choc quand ils vont comprendre pourquoi nous avons demandé cette entrevue qui ne pouvait pas attendre la reprise. Personnellement nous aurions volontairement attendu plus longtemps, mais réalistiquement ce n'est pas possible d'autant que d'ici la reprise mon état risque de commencer à se voir doucement et nous ne pouvons pas prendre le risque que l'information sorte par hasard à cause d'une photo volée ou je ne sais quoi d'autre sans que la direction de l'écurie ne soit au courant. Et puis d'un point de vue légal aussi, je dois les informer. Sauf que soyons honnête ce qui nous inquiète le plus, c'est les conséquences éventuelles sur la carrière de Charles plus que sur la mienne.

Ils ne peuvent pas le virer, rien d'aussi extrême, cependant j'imagine bien Mattia lui reprocher de laisser tomber l'écurie et souligner le fait que cela l'empêchera d'être concentré à 2 000% comme il le devrait. En fait ce qui m'effraie c'est qu'il décide de le faire passer au second plan ouvertement et qu'il soit alors systématiquement défavorisé par rapport à son coéquipier. Charles mérite d'avoir toutes ses chances et le fait que nous attendions un enfant ne va absolument pas changer son engagement sur la piste, je le sais.
Courir c'est toute sa vie. Et puis, ce ne sera pas le premier pilote a devenir papa.

Mais même si cette idée me tracasse forcément puisque nous approchons un peu plus à chaque instant de cette rencontre, j'ai plutôt une autre conversation qui refuse de sortir de mon esprit. Celle que j'ai eu y a une dizaine de jours maintenant avec mes parents.

Pour commencer, je me suis pris un énorme rappel de ce fossé qui s'est créé entre nous après l'accident qu'ils ne me pardonnent toujours pas lorsque j'ai découvert qu'ils étaient en vacances à l'étranger pour plusieurs semaines sans qu'ils ne m'aient informés. Et un second lorsque je leur ai annoncé la nouvelle en visio et qu'ils sont restés parfaitement de marbre pour ne pas insister sur leur regard à la fois peu surpris et plein de jugement qu'ils m'ont lancé.

« J'imagine qu'il convient de te féliciter » a vaguement marmonné ma mère d'un ton presque cassant face auquel j'ai bien failli éclater en sanglots quand je lui ai annoncé que j'étais enceinte de Charles. Et je préfère ne même pas mentionner l'indécence de sa question pour savoir si « au moins » nous étions vraiment ensemble. Certes je redoutais ce moment et je savais qu'ils ne sauteraient pas de joie comme ont pu le faire les membres de la famille de Charles, mais tout de même.

En fait ils ne sont pas capable de me pardonner mes erreurs. Je me dis souvent qu'une partie de ma vie a disparu ce jour là, mais ce qui est certain c'est que j'ai perdu leur amour dans cet accident.