Chapitre 5

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Il trouva le seigneur De Lens dans le hall d'entrée, vêtu d'un long manteau d'hiver en fourrure qui tombait jusqu'à ses bottes en cuir. Il s'apprêtait à partir mais se ravisa en voyant Johannes entrer dans la salle. Son regard perçant devint interrogateur et avant que Johannes n'ait pu s'adresser à lui, De Lens retira son manteau et le tendit à son domestique. Puis il invita l'apothicaire à le suivre d'un geste. Une fois de retour dans le petit salon, il s'installa dans un fauteuil et braqua son regard sur Johannes :

— Qu'avez-vous découvert ?

— Rien de probant pour l'instant, mais j'ai besoin d'éclaircissements.

Il lui narra la scène dont il avait été témoin.

— Savez-vous qui était l'homme à l'épée ? Et à quand remonte cet évènement ?

De Lens s'enfonça dans son siège et parut réfléchir. Au bout d'un instant, il répondit :

— Cela précède l'installation de ma famille dans cette demeure. Les émeutes de la Lutte Fratricide, il y a plus de trois cents ans, je dirais. C'est en tout cas la dernière époque où des affrontements armés ont eu lieu dans l'enceinte de la ville. Le prince Dale avait réussi à séduire une partie de la noblesse et des notables de la ville et s'acharnait à éliminer ceux qui ne lui étaient pas fidèles. Je sais que la famille Anderoth, qui résidait ici avant que mon ancêtre achète cette demeure, était du côté du prince Angon. Peut-être avez-vous assisté à un des raids des mercenaires de Dale.

— La famille Anderoth réside-t-elle toujours à Blacharque ?

— Non, mon ancêtre a acheté cette demeure au dernier Anderoth, qui est mort sans descendant, il y a plus d'un siècle. J'ai bien peur de ne pas pouvoir vous aider davantage.

— J'ai déjà un nom, ça représente beaucoup pour moi. Je vais aller inspecter les étages.

Johannes franchit la porte du salon sans un mot supplémentaire et remonta le couloir vers le hall d'entrée. Arrivé dans la grande pièce, il se dirigea vers un des escaliers et en gravit les marches rapidement.

A environ trois mètres au-dessus du hall d'entrée, les escaliers se rejoignaient sur un palier qui donnait sur un long couloir. Au sol, le marbre reflétait la lueur des torches fixées dans les appliques murales. Plusieurs portes s'ouvraient de part et d'autre du couloir. Johannes les poussa et découvrit derrière chacune une chambre soigneusement rangée dans l'attente d'un invité. Les meubles étaient décorés avec goût et s'inspiraient des derniers courants de la mode. Aucun feu n'était allumé dans les cheminées et le froid de l'hiver s'en ressentait davantage ; Johannes frissonna et resserra les pans de sa veste. Le couloir formait un coude et, quelques mètres plus loin, donnait sur un escalier en colimaçon menant à l'étage supérieur. Une dernière porte était éclairée par une torche fixée sur le mur d'en face. Il s'arrêta devant et leva les yeux vers le linteau sur lequel étaient gravés quelques mots, presque effacés par le passage des années. Il y déchiffra une ancienne bénédiction de fertilité, très courante au siècle précédent. Il poussa la porte et fut surpris de ressentir une bouffée de chaleur provenant de la pièce : un feu flambait dans la cheminée. Johannes devina aux vêtements suspendus et aux traces récentes d'occupation qu'il se trouvait dans la chambre du seigneur De Lens. Il referma doucement la porte et s'engagea dans les escaliers.

Les marchent débouchaient sur un long couloir en bois dont les planches craquèrent à son passage. Quelques toiles d'araignées et la poussière au sol attestaient de la moindre utilisation de cet étage de la bâtisse. Le froid y devenait presque mordant : son haleine givrait à chaque expiration. La seule lumière provenait du bas de l'escalier et le couloir s'enfonçait dans l'obscurité. Johannes redescendit au premier étage, détacha une torche de son applique et la brandit devant lui en remontant les marches. Parvenu en haut, il s'engagea dans le couloir. La flamme de sa torche projetait des ombres dansantes sur les murs en bois, parsemés d'ouvertures sans portes. Il passa la tête dans la première embrasure et découvrit une grande pièce recouverte d'un bric-à-brac poussiéreux. De grand draps recouvraient des meubles dont seuls les pieds dépassaient. Des coffres fermés jonchaient la pièce, disposés sans ordre là où on avait trouvé de la place. Un courant d'air glacial traversa la pièce, passant sans doute entre les volets mal ajustés. Les ombres s'affolèrent dans la pièce mais la flamme tint bon.

L'Appel du NécromantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant