Chapitre 8

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Ses ablutions terminées, il revêtit une épaisse tunique en laine doublée de fourrure. Il enroula le poignard dans une étoffe qu'il déposa dans son coffre puis descendit au rez-de-chaussée. La pénombre y régnait mais le calme était rompu par des bruits de conversations émanant de la rue et les cris des marchands hélant les passants depuis le pas de leur porte. Il entendait même des glapissements d'enfants. A croire que les habitants avaient tous décidé de braver le froid ce matin. Johannes alla ouvrir le volet. La lumière inonda la pièce et l'aveugla brièvement, relançant la douleur entre ses tempes. Dehors, de nombreux badauds déambulaient sous un soleil magnifique. La rue était certes étroite, mais elle baignait dans les rayons de la fin de la matinée qui se reflétaient sur la neige accumulée au sol. Il déverrouilla la porte et l'ouvrit en grand. Un courant d'air frais balaya la boutique. La visite chez Ilnuir attendrait.

L'après-midi touchait à sa fin quand Clotilde lui rendit visite. Entre temps, il avait avalé un repas léger qui avait réconcilié son estomac avec la nourriture. Plusieurs clients s'étaient présentés et il leur avait fourni quelques simples pour soulager rhumes et indigestions. Il avait surpris le regard interrogateur de certains d'entre eux lorsqu'ils rentraient dans la boutique. Son visage devait toujours présenter de lourds stigmates de la veille pour causer une telle réaction. Au contraire de la chandelière qui ne manifestait aucune trace de son travail tardif et dont le visage brillait de son habituel sourire :

— Bonjour Johannes. Tu as ouvert tard, ce matin. Et tu as une mine vraiment affreuse ! La soirée a été rude ?

— Clotilde ! Je suis également content de te voir, répondit-il avec un sourire chaleureux. Pas la soirée, l'après-midi. Une affaire pressante chez un client des beaux quartiers. Qui d'ailleurs, ne m'a pas encore payé malgré sa promesse.

— Pense à aller chez le tailleur quand tu auras empoché ta paie. Ta tunique n'est plus de la première jeunesse.

Son regard brillait d'humour mais elle n'avait pas tort.

— Tu as le droit de me raconter ?

— J'étais chez le seigneur De Lens.

— Le Seigneur-Marchand ? Tu ne fréquentes pas n'importe qui ! Il paraît que sa demeure est magnifique, carrelée de marbre et lambrissée de chêne, et qu'une armée de serviteurs s'active sous ses ordres.

— Sa demeure est en effet magnifique, j'ai pu la visiter entièrement. Mais ne crois pas toutes ces rumeurs, il n'y a pas de marbre dans les étages. Simplement de la pierre et du bois. Il voulait confier le travail à mon vieux mentor mais finalement, il a dû se retourner vers moi. Et j'ai réussi à me faire payer pratiquement comme si c'était Ilnuir qui avait fait le travail, ajouta-t-il d'une voix légèrement plus aiguë, fier d'avoir réussi une telle négociation face à un Seigneur-Marchand. Clotilde eut une moue admirative puis reprit :

— Je suis venue te demander un service. Je dois partir demain pour Arkos. Je serai absente pour environ deux mois. Une affaire de famille et j'en profiterai pour essayer de m'y faire connaître. Sait-on jamais... Pourras-tu garder un œil sur ma boutique ?

Arkos, la ville du vin... Du haut de ses remparts, on pouvait apercevoir les vignes recouvrant les coteaux environnants sur des hectares à la ronde, presque jusqu'à l'horizon. Elle jouissait d'un climat ensoleillé particulièrement propice à la viticulture. Johannes y avait séjourné quelques fois après avoir été diplômé de l'Académie. Nombre de ses souvenirs y étaient noyés dans les brumes de cuvées voluptueuses...

La porte de sa boutique s'ouvrit brusquement et interrompit Johannes dans ses pensées. Un homme vêtu d'une grande cape noire à capuchon se tenait dans l'embrasure. Il portait des gants en fourrure et ses bottes neuves trahissaient un cirage récent. Sans être menaçante, sa silhouette sombre à contre-jour était néanmoins intimidante. Il avança d'un pas puis referma la porte derrière lui. Ses bottes n'étaient pas seulement neuves, elles étaient également très silencieuses. Il retira ses gants d'un geste guindé puis dévoila son visage : l'intendant de De Lens. Johannes, rassuré, le salua d'un bref hochement de la tête que lui retourna son interlocuteur.

L'Appel du NécromantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant