Arwald s'interrompit et Johannes comprit que le spectre avait perçu ses efforts. Sans attendre, il rassembla l'énergie qu'il avait accumulée et la façonna en un pieu qu'il propulsa mentalement vers son ancien ami. Le spectre n'esquissa pas le moindre geste pour tenter de l'éviter. Au lieu de cela, il tendit sa main mutilée et le projectile vint s'y enfoncer pour y disparaître complètement.
La fureur flamboya dans les yeux d'Arwald et l'apothicaire recula d'un pas tandis que le spectre flotta vers lui en traversant un établi. Négligent toute retenue, Johannes puisa dans ses propres forces pour épaissir le Voile et essayer de retenir Arwald. C'était un acte désespéré car il savait ne pas avoir les ressources nécessaires à le bannir. Le revenant ralentit progressivement, luttant pour avancer. Mais Johannes n'était pas dupe. Il ne pourrait le retenir ainsi indéfiniment, il s'épuisait rapidement. Son front était déjà trempé de sueur malgré la fraîcheur environnante. Il sentit le Voile échapper à son contrôle pour s'amincir rapidement sous la volonté supérieure du spectre. Le Voile se déchira alors subitement, tel un tissu trop tendu, laissant Arwald libre de ses mouvements.
Il le saisit à la gorge et Johannes sentit ses pieds décoller du sol. Le spectre le maintint en l'air d'un bras et un froid intense se répandit en lui au contact des doigts gelés qui l'étranglaient. Johannes battit des bras dans l'espoir de lui faire lâcher prise mais ses mains ne rencontrèrent que le vide et passèrent au travers du spectre. Ce dernier le fixait de ses yeux morts et semblait se délecter de son impuissance, tandis que la colère et la folie brillaient dans son regard. Johannes sentait le froid se répandre doucement en lui et son énergie le quitter, siphonnée par le revenant. Ses membres s'ankylosaient peu à peu et la torpeur le gagnait. Ses facultés et ses connaissances ne lui étaient d'aucun secours et la panique s'empara de lui alors que ses poumons cherchaient désespérément l'air dont ils avaient besoin.
La certitude qu'il allait bientôt mourir raviva un court instant la vigueur de ses mouvements et sa main heurta le pommeau de la dague passée à sa ceinture. Sa vision commençait à se brouiller et sa poitrine n'était plus qu'un brasier ardent mais il parvint à dégainer son arme. Aussitôt que ses doigts se refermèrent sur la garde, il fut pris d'un puissant haut-le-cœur. Incapable de dresser la moindre défense mentale, il ressentit de plein fouet une aversion qui n'était pas la sienne. Son corps se tordit dans un spasme violent, essayant d'échapper à l'étreinte du spectre, non plus à cause de la douleur qu'il ne ressentait presque plus, mais pour rompre le contact lui-même. Mais la poigne d'Arwald était trop forte et le dégoût extrême se mua en rage incontrôlable. A présent, Johannes ne ressentait plus ni souffrance ni froid, seulement la vague conscience d'être sous l'empire de l'esprit prisonnier de la dague. Sa propre volonté s'était effacée derrière la sienne et il vivait la scène détaché, spectateur de sa propre agonie.
Mais l'esprit ne s'avouait pas vaincu. Il ramena le bras de Johannes en arrière et ce dernier sentit que jamais la lame n'avait ondulé aussi rapidement. D'un mouvement vif, il planta l'arme dans le corps du spectre. Là où sa main n'avait rencontré que le vide, la dague s'enfonça dans la poitrine d'Arwald comme s'il était un être de chair et de sang. La poigne qui enserrait la gorge de Johannes se desserra légèrement tandis que le spectre écarquillait les yeux de surprise. L'esprit de son arme exulta et la rage qui dominait l'apothicaire se transforma en un puissant sentiment de victoire, presque de plaisir.
Johannes sentit alors son énergie lui revenir, affluant par sa main tenant la lame. C'était un flux glacial mais néanmoins revigorant. Arwald le maintenait toujours au-dessus du sol et Johannes le vit faiblir à mesure que lui-même se renforçait. Les points noirs obscurcissant sa vue se dissipèrent tandis qu'il retrouvait un contrôle partiel de son corps, suffisant pour dresser de nouveau ses défenses mentales. Aussitôt, l'esprit de sa dague reflua et ses pensées redevinrent siennes. Par réflexe, il remonta son bras droit afin de se libérer de l'emprise d'Arwald. L'afflux d'énergie s'amplifia brusquement et Johannes cria de douleur alors qu'un froid si intense qu'il en devint brûlant envahit son bras. La décharge fut aussi brève que violente. A demi-assommé, il ne se sentit pas tomber au sol ni sa tête heurter les dalles.
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L'Appel du Nécromant
FantasyDans la cité médiévale de Blacharque, Johannes mène une vie paisible en vendant ses services d'exorciste aux Seigneurs Marchands de la ville. Rompu aux Arts Occultes, il cherche à asseoir sa réputation auprès de ces puissants notables. Convié à une...