L'Avarielle - La légende

Chapitre 22

 Ryan se mit en route le jour même. Il prit le cheval le plus rapide des écuries du seigneur Reyair. Bien que ce-dernier s'opposait à son départ, le jeune homme décida de désobéir. Pour la première fois, il ne respectait pas les ordres de son supérieur. Ses parents allaient se montrer particulièrement désagréables s'ils apprenaient que leur fils unique n'avait pas suivi aveuglément les revendications d'un prophète fou.

Désormais Ryan s'en moquait, il savait qu'il en souffrirait dans l'avenir, mais tout ce qui comptait était le présent. Le jeune homme se rangeait du côté qu'il estimait être juste. Le Freyen se rangeait du côté de l'Avarielle.

Les larmes ne se pressaient plus au coin de ses yeux, il savait pourquoi il se battrait. Il ne regarderait plus la souffrance sans bouger, il ne participerait plus à la torture et à la peur. Il était libre de faire ses propres choix.

Ryan arrêta son cheval aux pieds du château. Il jeta un dernier regard en direction des hauteurs, vers Marine, vers son amie et vers ses ennemis. Le jeune homme aperçut les gibets qui pendaient toujours en se balançant au gré du vent.

Il n'avait plus rien à faire dans ce sinistre endroit. Pourtant abandonnée, la fillette lui serrait le cœur. Marine devait se faire torturer à cette heure. Penserait-elle à lui ? Le jeune homme espérait qu'elle ne l'oublierait pas. Après tout, elle lui avait confié pour seul unique objectif, retrouver ses amis et s'occuper d'eux. Même s'il la laissait seule. Il était si triste de l'abandonner. Mais il le devait, il avait une mission à accomplir.

Le jeune homme donna un petit coup de talon dans les flancs du cheval et celui-ci partit au trot dans la ville.

Le village colonisé de Freyens était d'un aspect médiocre. Les soldats se consacraient au pillage, à la beuverie, à la torture et à la bagarre. Quels envoyés des dieux anciens représentaient-ils ? Des hommes affûtaient leurs armes de toutes parts en regardant le jeune homme passer. Ils se méfiaient de lui, et pourtant ils le respectaient tous. À vrai dire, ils avaient peur de sa position sociale. Une position qu'il s'était faite à cause de son manque d'intérêt, il était impartial parce qu'il ne haïssait pas les autres contrairement à tous ceux qui sortaient de son école. Le démon n'était-il maudit qu'à cause de sa différence ?

Ryan regarda les rues dévastées, la plupart des pavés avaient été arrachés, les volets des maisons pendaient sinistrement, les portes et tous les objets du quotidien terrien étaient en morceaux sur le sol. Parfois, on voyait de large traînée de sang écarlate briller dans la boue et se glisser entre les restes de pavés.

L'Avarielle n'était peut-être qu'un prétexte pour un pillage sur une autre planète. Et puis un monstre ne devrait-il pas être dépourvu de tout sentiments ? Des sentiments, des comportements. Marine ressemblait très portrait à toutes ces idées qu'il avait dû apprendre. Elle était courageuse sans être inconsciente. Meneuse sans vouloir l'être. Elle avait la guerre dans le sang. Tous les Avarielles respectaient au moins ces caractéristiques.

Le jeune homme achevait enfin sa traversée de la forteresse. Il traversa l'arche de pierre, sous les remparts de la ville en écoutant le martèlement des sabots de son cheval sur le dallage. Il était presque sorti de cette ville au peuple infernal, cherchant comme des possédés un simple démon.

Le peuple Avarielle, lui, était fascinant. Chacun y était à la fois semblable et différent. Tous ayant une particularité portée sur le côté gauche du corps, que les terriens avaient ensuite rapporté au diable. Parfois, ils étaient simplement gauchers. Parfois simplement plus forts de ce côté. Ou comme Marine ils pouvaient ne pas pleurer de ce côté-ci, se montrer bien plus rudes. Chacun résistant bien à la douleur physique. Parfois en ne sentant rien ou en se remettant sans difficulté des pires tortures. Chacun est appelé à pouvoir faire apparaître une paire d'ailes immenses dans son dos. Un démon.

Ryan traversa le pont de pierre, maintenant que son cheval s'était échauffé il allait enfin pouvoir accélérer l'allure. L'Avarielle, un démon pour lequel chaque chose vivante ressent la présence. Le feu brûle est n'appelle qu'à lui offrir sa chaleur. La terre vibre à son contact. Les plantes grandissent en ressentant sa puissance. Le vent souffle pour pouvoir le guider où bon lui semble. L'acier prend la forme qu'il souhaite. L'électricité puise sa fougue de sa force. L'ombre se déplace sous lui en espérant être appelée à l'aider. L'eau lui permet de vivre comme tous les êtres vivants. Un démon. Une enfant pour laquelle les éléments ne tarderaient pas à se déchaîner.

Ryan lança sa monture au galop, il voulait quitter cet endroit de malheur tant qu'il le pouvait encore. À quelques kilomètres, le vent soufflait en rafale empêchant tout mouvement sur la côte. Les vagues se déchaînaient contre la falaise. Elles s'écrasaient et montaient plus haut que jamais. L'eau et le vent, l'Avarielle arrivait.

Ces démons étant nés de ces deux éléments. Un ange et un dieu. Une ange et le dieu de la mer Poséidon. Ils furent ensemble les ancêtres de cette race. Maudits par Hadès en raison de sa jalousie. Reniés de toutes morts, aucun paradis, aucun enfer pour eux, la malédiction qui les frappent. Les réfractaires compris, ceux qui avaient renoncé à tout droit sur leur véritable nature sans toujours le savoir.

La jeune homme arrêta sa monture au sommet d'une colline, il regarda une dernière fois la forteresse. Le château se dressait, bravant la tempête. Il n'y avait plus de bannières ni de beaux discours. Plus d'ennemis, plus de craintes. Et les vagues et le vent montaient haut dans le ciel et clamaient leur colère. La forteresse semblait sur le point de sombrer sous les eaux ou de s'envoler dans les airs. Cette fois, il en était sûr. L'eau et le vent appelaient le démon. Ils appelaient Marine.