Je fixe la maison depuis de longues minutes, sans parvenir à sortir de la voiture. Mon esprit est bloqué sur toute cette soirée. Les lèvres de Spencer, ses mains sur mon corps, sur mes cicatrices, son regard dans le mien, son sourire, mais surtout ses mots.
Il connaît mes faiblesses et mes défauts, il sait ce que je ressens au fond de moi, et l'a utilisé. Même si ce n'était pas volontaire, même s'il cherchait simplement à me protéger de lui et de toute cette situation, c'est comme ça que je le ressens. Il ne m'a pas demandé mon avis, il a pris ce qu'il voulait de moi et m'a juste confronté à la réalité. Celle où je suis trop codépendante pour qu'il puisse s'occuper de moi, en ce moment.
Je sais que j'ai des problèmes émotionnels, je lui ai même dit tout ça, ici, le soir où il m'a ramené Drew. Je sais que j'ai besoin d'attention, sinon, je me sens abandonnée, mais... Non. Pourtant, non. Je l'ai réalisé justement ce soir : lorsque mon père est parti, j'ai cru qu'il m'abandonnait, mais il est revenu. J'étais tout simplement heureuse qu'il revienne, parce que son absence a créé le manque. Et cette semaine, Spencer était toujours occupé avec April, ça ne m'a pas empêché d'être heureuse de le revoir ce soir. Oui, j'ai été mal à cause de son absence, mais pas parce que je me sentais abandonnée, mais parce que j'étais jalouse.
Jalouse d'April. Jalouse de leur relation. Jalouse de ce qu'ils ont.
Et maintenant que j'ai appris la véritable raison de leur proximité cette semaine, je me sens coupable d'avoir été jalouse. Elle avait besoin de lui, parce qu'il est son ami, et je comprends totalement.
Alors, non, je ne suis pas aussi codépendante que je le pensais. Je n'ai pas un si gros problème. Je travaille dessus et je vois mon évolution ! Merde. Je ne suis pas complètement bousillée !
Pourtant...
Spencer a raison. Il est mon exception. J'ai envie d'être avec lui tout le temps, et je sais que je ne pourrais pas supporter qu'il s'éloigne de moi. Même si je sais qu'April n'est que son amie, maintenant que les limites ont été dépassé, je ne peux pas imaginer qu'il dorme chez elle toute une semaine, ou qu'il reste avec elle sans arrêt.
Je sais que je lui en demanderais trop, alors qu'il a déjà tant à faire et à penser, mais... Il m'a fait sentir si mal. Comme si je n'étais qu'un poids, qu'une charge supplémentaire, comme s'il devait me sauver.
Je ne veux pas qu'il me sauve. Je n'en ai pas besoin.
Je travaille sur moi-même comme une folle, je vais voir la psy, je m'occupe de mes propres traumatismes, seule. Tout ça, je le fais seule, parce que je ne veux pas attendre des autres ce que je n'arrive pas à faire seule. Je veux être capable de m'en sortir par moi-même.
Je me demande ce que je montre de moi aux autres quand je vois la réaction de Spencer. Est-ce que tout le monde me voit simplement comme ça ? Comme une jeune gamine traumatisée qui a besoin de toute l'attention d'une équipe médicale prête à dégainer les chaînes et les piqûres pour empêcher une tentative de suicide ? C'est donc à ça que je ressemble ?
VOUS LISEZ
Black Bikers, Tome 5 : La souris abimée
RomanceÀ Whitesboro, les Black Bikers sont toujours la loi. Jordan Pierce, jeune étudiante en biologie à l'université de Denton, travaille dans un bar à thé pour financer sa vie, à Whitesboro. Après une nuit terrible, quatre ans plus tôt, elle est persuadé...