Je n'ai pas le souvenir d'avoir été aussi légère de ma vie. Ou alors, ça remonte à tellement d'années, que je ne peux plus m'en souvenir.
Lorsque je frappe plusieurs coups contre la porte, je suis à la limite de l'hystérie. Je me sens beaucoup trop légère, beaucoup trop bien, et j'ai envie de hurler au monde que tout va bien. Parce que c'est vrai : tout le poids que j'avais sur mes épaules a disparu. J'ai l'impression de flotter.
Personne ne répond. La porte reste fermée et malgré mes nombreux coups, il n'y a toujours rien. Alors, au bout d'un moment, je tente de tourner la poignée et... la porte s'ouvre.
Les lumières sont pourtant allumées, la chaîne hi-fi aussi, et plus je m'avance, plus mon euphorie s'échappe, jusqu'à ce que mon regard se pose sur le canapé.
Spencer s'est endormi et deux assiettes garnies sont sur la table. Je ne peux m'empêcher de sourire en rebroussant chemin pour fermer la porte à clef avant de m'approcher de lui. Et lentement, je me penche pour l'observer.
Je me demande combien de temps j'ai mis à discuter avec mon père, peut-être une heure le temps de me calmer et de pouvoir lui répondre, pouvoir lui dire tout ce que j'ai sur le cœur, jusqu'à ce qu'il me répète de vivre ma vie. Et dès que j'ai retrouvé un semblant de stabilité, je lui ai parlé de Spencer. De notre relation, des sentiments qu'il réveille en moi, de nos moments, de sa tendresse... Et lorsque je lui ai dit qu'il m'attendait, il a trouvé ça tout simplement bien.
Le sommeil apaise ses traits. Il respire calmement, allongé sur le ventre, les deux mains glissées sous son oreiller, la bouche entrouverte, les cheveux tombants sur son front. Il est beau, tendre, doux, mignon et adorable.
Je n'arrive bientôt plus à me retenir : je glisse mes doigts dans ses cheveux pour dégager son front et dès que je le touche, il grogne doucement, sans pour autant ouvrir les yeux. Pourtant, je sais qu'il est réveillé, parce qu'il esquisse un sourire en fronçant du nez.
— Il est quelle heure ?
Sa voix est grave, comme s'il dormait depuis des heures et je m'en veux presque de le réveiller. Presque. Parce que je suis trop heureuse de le voir et d'être avec lui.
— Tard. Tu devrais aller au lit.
Il secoue la tête en grognant, puis, ouvre un œil pour me regarder. Dès qu'il pose son regard sur moi, tout son corps se tend et il saute hors du canapé pour se placer face à moi, mon visage au creux de ses mains.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Tout va bien ? Qu'est-ce qu'il y a ?
Je souris, beaucoup trop consciente que mon visage est encore rouge d'avoir trop pleuré, mes yeux gonflés et larmoyants. Mais je ne tente pas de me cacher, au contraire, je lui souris en enroulant mes bras autour de ses hanches pour me coller à lui.
— J'ai parlé avec mon père. Et ça va.
Il n'a pas l'air de comprendre toute la signification de ma réponse, mais il comprend la puissance qu'elle représente. Il hoche lentement la tête et finit par presser mes joues en fronçant les sourcils.
— Ça va vraiment ?
Je hoche la tête. J'aime le fait qu'il s'inquiète pour moi, qu'il me regarde avec ces yeux, qu'il veuille mon bonheur, qu'il me protège par sa simple présence.
Lorsque je me penche en avant pour déposer mes lèvres sur les siennes, je ne peux plus me retenir. Je veux tout de lui, mais surtout, je veux tout lui donner.
Dans mon empressement, je ne réalise pas que je vais trop vite, que je suis trop brusque. Je n'arrive plus à m'arrêter, parce que j'ai l'impression d'enfin pouvoir faire ce que j'ai envie. Mais rapidement, Spencer attrape fermement mon visage pour m'écarter du sien et planter son regard dans le mien.
— Star ? Tout va bien ?
Je hoche la tête, et je réalise que je pleure au moment où je cligne des cils et qu'une larme glisse sur ma joue. Un petit éclat de rire m'échappe et je hoche plusieurs fois le visage en me rapprochant de lui.
— Je vais bien, murmuré-je. Je vais vraiment bien. Je me sens vraiment bien. Je me sens...
Je n'arrive pas à trouver de mots. J'ai envie de pleurer, de hurler, de crier, de chanter, de danser, de sauter, de... vivre. Putain. Tellement. Tellement !
— Libre, murmuré-je enfin.
J'attrape la main de Spencer et caresse ses doigts, prends le temps de réaliser que je le laisse me toucher, parce que je finis par poser sa main à plat sur ma poitrine. Sur mon cœur. J'ai besoin qu'il sente ce que je dis, qu'il comprenne ce que je ressens.
— Je me sens libre de faire ce que je veux, je me sens libre de ressentir, de dire, de croire, de... Je me sens enfin libre d'aimer.
Je lâche sa main, pour les glisser dans sa nuque et me rapprocher, alors qu'il ne bouge pas. Il garde sa paume contre mon cœur. Et ça me fait du bien de le sentir et de lui partager tout ce que je ressens.
— Je ne veux plus m'empêcher de vivre, je n'en peux plus de tout contrôler. Je ne veux plus me priver d'être ce que je suis et de ressentir ce que je ressens. J'ai envie de vivre la vie à mille à l'heure, d'éprouver de véritables sentiments, de pleurer d'un cœur brisé et de rire d'une chute dans la rue. J'ai envie d'être déçue, mais de me relever parce que la vie est encore longue ! J'ai envie de vivre comme une fille de mon âge. D'être une fille de mon âge. J'ai envie de...
Je secoue la tête sans réussir à dire ce que je ressens vraiment, parce que tous les mots se battent dans ma tête et n'arrivent plus à sortir. J'éclate de rire et secoue la tête en pressant mes doigts dans sa nuque pour me rapprocher de lui alors que je découvre son regard pétiller de plaisir.
— J'ai envie d'enfin être moi. Pas Jordan Pierce, la gamine brisée, ni Jordy la bonne copine. J'ai envie d'être... celle que tu as vue à travers mes fêlures. J'ai envie d'être Star. Pour tout le monde.
Son sourire me réchauffe le cœur, d'autant plus quand il se penche en avant pour déposer un baiser sur mon front. Sa tendresse et sa douceur me font tellement de bien que je couine en sautillant, en quête de sa chaleur, de son attention, de lui.
— J'ai hâte que le monde entier te découvre telle que tu es, murmure-t-il. J'ai tellement hâte qu'ils t'aiment autant que je t'aime. Qu'ils t'admirent autant que je t'admire.
Je relève la tête et croise son regard. Il semble véritablement heureux pour moi, les yeux tendres et sereins, comme si la vie était aussi simple que ça. Et d'un certain côté, maintenant... Je le pense aussi.
Parce que j'ai vécu des choses horribles, je sais à quel point la vie est fragile. Et je ne dois pas simplement regarder le monde ainsi : je dois surtout voir à quel point chaque seconde est précieuse, à quel point je dois en profiter. Je ne veux plus jamais de regret : je veux vivre la vie comme je l'entends.
Et ça commence aujourd'hui !
— Spencer ?
— Oui, Star ?
Je souris en montant sur la pointe de mes pieds pour caresser son nez avec le mien.
— Tu veux bien m'accompagner ?
— Oui.
Un petit rire m'échappe et il y répond par un sourire, alors que je secoue la tête.
— Tu veux bien ?
— Bien sûr.
— Tu ne veux même pas savoir où ?
— Où que tu veuilles aller, je veux être à tes côtés.
Je souris et attrape plus fermement sa nuque, plaquant ma poitrine contre la sienne, frôlant ses lèvres des miennes.
— Je veux aller le plus loin possible. Là où le bonheur existe vraiment, où la vie est vibrante.
Il hoche la tête et dépose un tendre baiser sur mes lèvres.
— Allons-y.
ig : juciebg_
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Black Bikers, Tome 5 : La souris abimée
RomanceÀ Whitesboro, les Black Bikers sont toujours la loi. Jordan Pierce, jeune étudiante en biologie à l'université de Denton, travaille dans un bar à thé pour financer sa vie, à Whitesboro. Après une nuit terrible, quatre ans plus tôt, elle est persuadé...