La journée est passée vite, et même si mes collègues m'ont mitrailler de questions concernant mes valises, j'ai réussi à garder mon sang-froid pour mentir. Mais enfin, il est 15h. J'ai fini le boulot, et me re-voilà dans les rues de cette ville, à l'arrêt de bus qui me permettra de me rendre chez Adam sans trop prendre de temps.
Le bus arrive 10 minutes plus tard.
D'autres passagers et moi-même grimpons, moi en dernière vu que j'ai dû ranger mes copines dans la soute. Je trouve une place seule, m'y installe et contemple la vue à travers la vitre. Pour la première fois, je me sens libre. A vrai dire, je n'ai jamais su ce que c'était de ressentir ce sentiment. Mais je pense que c'est celui que je suis en train de ressentir à cet instant. Le bus est silencieux : personne ne parle. C'est comme si d'un coup, le monde s'était suspendu pour que je puisse écouter mes émotions.On passe par la mer, et les vagues sont calmes, douces, lentes. Comme quoi, même un océan tout entier arrive à se calmer. Pourquoi mon être n'y arrive donc pas ?
Je parcours des yeux mon corps. Mes jambes et mes bras frêles qui tremble, la peau de mes mains moites, mon jean sale et mes chaussures blanches devenues grises, à force de les martyriser à les mettre tout les jours de ma putain de vie. Je me demande comment mes patrons arrivent à me garder, quand je vois mes collègues qui sentent bon, toujours habillées proprement, et maquillées comme si elles allaient au festival de Cannes. Pourtant, j'aimerais me faire belle moi aussi. M'habiller avec mon propre style, me maquiller avec mon propre maquillage, faire ce que j'ai envie, en fait. Mais ça n'a jamais été possible. Et maintenant, en prime, je suis paumée.
Le bus s'arrête finalement et je peux enfin descendre. Je récupère mes valises puis marche jusqu'à chez Adam. Il vit un peu plus loin de la plage, à 20min en voiture. Et là, j'ai même pas 5 min de marche à faire avant d'arriver à son appartement.
En arrivant dans sa résidence, je croise un couple de personnes âgées dans le hall qui tiennent dans leurs mains des sacs de courses remplis. J'ai mes valises, mais tant pis. Je vais leur proposer un coup de main.
- Bonjour, dis-je avec sourire. Vous voulez de l'aide ?
Le couple me regarde, l'air surpris, puis finit par sourire.
- Oh oui, intervient l'homme. Ce ne serai pas de refus ma petite.
Je lâche donc mes copines et les laisse sur le côté. Je les récupérerais tout à l'heure. Je prend trois sacs, et monte avec le couple dans l'ascenseur. Ils semblent essoufflés.
Je n'ai même pas le temps de dire quoi que ce soit que les portes s'ouvrent.
- Déposez-les devant la porte à votre droite, m'ordonne la dame. C'est déjà très gentil de votre part. Je ne vais pas vous en demander plus.
Je m'exécute, puis les salues. Je redescend au rez-de-chaussée puis retrouve mes valises, intactes.
Je remonte en appuyant sur le bouton qui mène à l'étage numéro 4 et arrive dans le couloir d'Adam. Je toque à sa porte, en regardant son paillasson « Bienvenue ».
Sa porte s'ouvre presque à la volée.
- T'en a mis du temps ! S'exclame t-il en me câlinant. Ça va ?
- Oui, juste aide-moi avec mes valises.
Il les prends et les dégagent dans son salon. Je ne suis pas venu chez lui depuis un moment, et je remarque qu'il a refait sa décoration. Pleins de plantes sont disposées à chaque recoins de l'appartement.
- T'a vu, ça fait plus joli, me lance t-il en me voyant contempler la pièce. C'est Gab qui m'a donné l'idée.
- Gab ? Demandé-je, surprise.
Adam se gratte l'arrière de la tête, et capitule :
- Gabriel, mon coloc'.
Je reste interloquée, car cela doit faire plus d'un an qu'il habite ici et il n'a jamais eu de colocataire.
- Depuis quand ? Rappliqué-je.
- Depuis le début du mois, bredouille t-il. Les fins de mois se faisaient compliqués, alors j'ai cherché un coloc.
Je ne réponds même pas, car je n'ai rien à dire. A sa place j'aurai fais la même chose. Et ce n'est pas moi qui le jugera alors que je suis à la rue. Je serai extrêmement mal placée.
- Du coup, ça ne te dérange pas de dormir dans le canapé ?
- Non, t'inquiète ! Lancé-je.
S'il savait comme c'est déjà beaucoup pour moi.
Adam me tape l'épaule et je me rend compte que je me sens bien. La seule chose qui m'empêche d'être 100 % apaisée, c'est de savoir que je vais devoir continuer à lui mentir. Il ne le mérite pas, mais je ne veux pas lui infliger mon malheur. C'est mon problème, et pour une fois, je ne veux pas que ça devienne le sien aussi.
Cette histoire de coloc' m'intrigue un peu, alors je m'empresse de m'asseoir à la table de sa cuisine :
- Bon, alors, il est comment ton coloc' ?
- Gentil, drôle, intéressant..
Je lâche un petit ricanement, qui le fait rire immédiatement.
- Mais quoi ? Badine t-il. Il ne me plaît pas, je te jure !
- Mouais, soufflé-je. C'est pas ce que disaient tes yeux quand tu me parlais de lui.
Adam court vers son réfrigérateur, et me propose une boisson.
- C'est ça, change de sujet ! Lui crié-je.
Il rigole comme un enfant et revient vers moi avec deux canettes de Coca. J'ouvre la mienne quand brutalement, la porte d'entrée s'ouvre puis claque un grand coup. Je lève les yeux en direction de cette dernière, puis y voit un homme, en survêtement gris, portant sur sa tête, une casquette Dickies rouge.
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À la nuit tombée
RomanceSeona vient de se faire mettre à la rue. Depuis la mort de son père, ses relations avec sa mère sont devenues encore plus compliquées. Elle a besoin de trouver un toit, et vite. La solution est là : Adam, son cousin, peut l'héberger. Mais qu'en sera...