CHAPITRE 58

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Seona

Gabriel a essayé de me tenir éveillée tout au long de la route, en me racontant des anecdotes sur lui et sa sœur, des souvenirs avec Leslie, et même avec Adam. Il tentait de m'inclure dans son monologue, et j'avoue que ça m'a fait du bien. En réalité, plus que ce que je veux l'admettre.

Lui et moi n'avons jamais vraiment parlés comme ça, de tout et rien. Et le pire dans cette histoire, c'est que nous venons de vivre quelque chose de stressant et que ça n'a pas l'air de nous toucher plus que ça. En fait, j'ai l'impression de ressentir cette émotion depuis que je ne vis plus chez ma mère. Dès que je fais une action, je passe vite à autre chose : les sentiments d'hier ne dure que l'espace d'un instant à chaque fois, pour laisser place à un autre. Tandis qu'avant, je pouvais avoir un sentiment qui perdurait sur plusieurs jours, voire plusieurs semaines.
À moins que ce soit parce qu'avant, je ressentais toujours la même chose..

En descendant de la voiture, je récupère les sachets marrons du Mcdonald's que nous avons récupéré sur la route : car oui, un cambriolage, ça creuse.

Je souris à ma propre réflexion puis suit Gabriel en silence, appréciant le calme de la nuit de notre immeuble. Il fait bon et doux. Pas vraiment froid vu la chaleur qu'il a fait aujourd'hui. Le parking est quasiment vide, et la lune est pleine ce soir. Alors je la regarde, en prenant mon temps, avant que le bâtiment remplisse mes yeux et qu'elle se cache derrière lui.

Gabriel m'ouvre la porte, et s'enfonce dans le hall jusqu'à l'ascenseur. Je pénètre en première, puis il me prend les sacs des mains :

- Laisse-moi les porter.

Appuyé contre le miroir, je l'imite et dépose ma tête sur son épaule. J'adore ce que je ressens avec lui, parce que je me sens en sécurité quand je suis à ses côtés.

Une fois rentrés, je ne saurais pas comment l'expliquer, mais c'est comme si tout était normal :

Gabriel se déshabille de ses chaussures, installe nos menus sur la table basse, allume la télévision et se positionne à sa place habituelle, sur le côté droit du canapé. Pendant ce temps, et après m'être déshabillée aussi, je pars brancher mon téléphone à son chargeur dans ma chambre et reviens dans le salon.

- On se met quoi ? Demande t-il, télécommande en main.

- Comme tu veux, soufflé-je en le rejoignant.

Il se contente alors de mettre Netflix, et de cliquer sur La première série qui apparaît.

- The Walking Dead ? Rigolé-je.

- Quoi ? T'aimes pas ? Me questionne t-il.

J'accueille mon hamburger dans ma bouche et croque un morceau. Une fois que j'ai avalé ce doux goût qui rempli ma trachée, je rétorque :

- Game Of Thrones, c'est beaucoup mieux. Y'a pas photo.

Il se marre :

- C'est tellement nul que ça n'existe sur aucune plateforme.

- Si, rétorqué-je. En streaming !

Il mange à son tour et me parle la bouche pleine :

- En pluf', y a trop de personnages. Comment tu veux te repérer dans tout cha' ?

- C'est sur qu'avec un cerveau comme le tiens, on ne peux pas comprendre ce genre de série..

Je pouffe de rire quand je le vois secouer son doigt devant moi en faisant un « non ». Son regard désireux m'interpelle et, sans réfléchir, je l'embrasse. Ma main viens caresser ses cheveux courts, et une des siennes parcourent ma hanche droite lentement. Et puis, je me retire :

- Aller, regardons ta série débile le temps de manger.

Et je souris, avant de reprendre une bouchée sans prendre le temps de regarder sa réaction.
Notre relation est tellement bizarre et dysfonctionnelle que je ne sais même plus comment je devrais agir. Je décide de faire ce qui me passe par la tête, et tant pis pour les réflexions. Je dois arrêter de cogiter, surtout que cette histoire sur mon père n'est toujours pas réglée. Et quand bien même j'ai le sentiment que tout ceci est faux, je ne peux pas m'empêcher d'avoir dans un coin de ma tête une petite voix qui me répète sans cesse qu'il y a une lueur d'espoir pour que mon père soit encore vivant. Je sais que je me fis à presque rien, mais les coïncidences sont trop énormes pour être évités. Ça me fais penser à la phrase dans la lettre..

« Les mots sortis d'une bouche ne font que s'envoler, tandis que ceux inscrits à l'encre noir ne peuvent pas être évités »

- Fais-moi voir la lettre, ordonné-je à Gabriel une fois notre bon repas bien gras finit.

Il la sors de sa poche, replié en quatre, et me la tend afin que je la relise. En m'enfonçant dans le canapé, il fait de même et se tape le ventre.

- J'ai bien mangé, moi, balance t-il.

Je ne fais même plus attention à lui quand je lis, et relis, encore et encore ce écrit qui me semble si.. Énigmatique.

- « .. Ceux inscrits à l'encre noir ne peuvent pas être évités.. », évoque à haute voix Gabriel qui s'est penché au dessus de moi.

- Toi aussi tu trouves que cette phrase saute aux yeux ?

- Un peu.

Soudain, je comprend enfin.
Mon dieu, je ne suis pas folle ! On n'est pas fous, tout les deux !

Je me redresse d'un coup, me fout devant Gabriel avec un sourire qui me monte jusqu'aux oreilles, et lui montre du doigt le poème. Son regard dubitatif me fait rire :

- Putain ! Hurlé-je en pleurant de joie. Mon père est vivant !

En le voyant me zieuter comme ça, je constate qu'il ne comprend en rien cette réaction plus que soudaine. Mais quand je lui montre de plus près en me collant à lui sans m'agiter, je cite :

« Pourquoi dire que la mort n'est rien,

Alors que la mort est tout.

Pas besoin de chercher mon chemin,

A tes heures perdues, je sais que tu m'attendras au bout.

Vivre l'instant présent,

Ici, avec ou sans toi.

Viens dans mon temps,

Avance jusqu'à moi.

Ne te retourne pas,

Tu m'entends.

J'espère que tu sera toujours près de moi.

Tu verras que je ne t'oublierais jamais.

Mon coeur ne le pourra pas. »

Il ne capte toujours pas pourquoi je viens de réciter encore une fois ce poème, alors je lui indique plus correctement :

- Ne lis que les premières lettres en majuscule !

Puis son visage s'illumine quand il voit enfin la même chose que moi :

P,A,P,A

V,I,V,A,N,T

J,T,M

À la nuit tombée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant