CHAPITRE 16

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Gabriel

Mes bras autour de son corps, je ne veux pas m'enlever de là. Le parfum que je lui ai offert sent incroyablement bon, ses cheveux sentent encore le shampoing, et sa façon de réagir me perturbe. Elle ne bouge pas. Même ses bras ne répondent pas, aucun son ne sort de sa bouche, on dirais même qu'elle a arrêté de respirer. Un peu effrayé par cette pensée, je m'enlève d'elle. J'aurai aimé rester plus longtemps, mais je sais qu'elle n'aime pas ça.

La voir aussi souriante et pleine de joie de vivre a envoyé un signal à mon cerveau : je devais la câliner. Elle est si belle, et bordel qu'est ce qu'il m'arrive ?

- Désolé, lâché-je en m'affalant dans le canapé.

Elle me suit, et soupire :

- Non, t'inquiète.

Mon regard s'attarde sur elle. C'est plus fort que moi, mais entre ma discussion avec ma sœur et les évènements de ces derniers-jours, je suis plus chamboulé que ce que je croyais.

Mes pupilles fixent son poignet, et je me sens con de ne pas l'avoir remarqué plus tôt :

- Tu as quoi au poignet ? Demandé-je simplement.

Elle regarde à son tour son bras, l'air étonnée que je le repère.

- Oh, ça, souffle t-elle. C'est un tatouage.

- Merci Einstein, j'avais remarqué, la taquiné-je.

Elle me dégotte un sourire et je ressens une lueur étrange se propager dans l'atmosphère.

- C'est un papillon, rentre t-elle plus dans les détails. Tu vois ces lunettes ? Me montre t-elle du menton une paire de lunettes posée sur l'îlot centrale.

- Hum hum, secoué-je la tête.

- C'est le dernier cadeau que mon père m'avait offert.

Soudain, mon cœur se sert.

- Et sur une des branches, il y a ce papillon, déclare t-elle.

- Je comprends, la soutiens-je.

Elle sourit en caressant avec son index le dessin noir sur sa peau.

- Au fait, surgit sa voix de nulle part, après ce moment silencieux. J'ai trouvé un carnet de dessin dans ta chambre hier soir.

Oh, mon carnet. Celui dans lequel je dessine tout ce que je trouve beau, poignant, et intéressant. Celui dans lequel je libère ma douleur, ma vision des choses. Celui dans lequel je m'enfuit, me plonge. Mon échappatoire.

- Oui ? Prononcé-je doucement.

- Tu dessines vraiment bien, déclare t-elle.

Je le savais déjà, mais l'entendre de sa propre bouche sonne mieux que n'importe quel refrain.

- Merci.

- Et.. Rapplique t-elle. Ton dernier dessin.. C'est moi ?

Elle fait référence à sa nuit dans la cage d'escalier, là où elle était recroquevillé comme une huître entre ses deux valises.

- Je vais vraiment finir par t'appeler Einstein, rigolé-je.

- Ah ah ah, très drôle, lâche t-elle. Non, mais y a un truc qui me turlupine.

- Te turlupine ? Me marré-je.

- Oui, m'intrigue quoi..

- Non mais, Einst..

- Arrête, me coupe t-elle en riant aussi. Plus sérieusement, Gabriel.

L'entendre prononcé mon nom de cette façon me séduit, alors je me retiens pour l'écouter.

- Sur la toute première page, il y a un gros gribouillis. Comme si tu avais griffonner un dessin.

Surpris par sa réflexion, je bégaye un peu :

- Euh.. Oui. C'est normal.

Je gratte l'arrière de ma tête, puis me lève :

- C'était mon premier dessin.. Il n'était pas fameux.

A sa tête, je comprend qu'elle n'a pas cru en mon mensonge.

La porte de la salle de bain nous fait sursauter, et je suis heureux d'être sauvé par le gong. Adam.

Je me dirige vers le porte-manteau, pour y sortir de ma veste mon paquet de clope et mon briquet.

Je passe devant les deux cousins pour rejoindre le balcon et m'allumer enfin une cigarette. Je n'ai pas fumer de la journée, puisque si Mélina savait que je retouche à ça, elle me ferais la gueule pendant six mois. Alors je profite de ma première clope pour aujourd'hui, en fermant les yeux après chaque inhalation.

J'ai laissé la vitre entre-ouverte, histoire de pouvoir l'écouter parler, et c'est la plus belle symphonie que je n'ai jamais entendu.

- Seona ? L'appelé-je tout à coup.

- Ouais ? S'arrête t-elle de parler avec Adam.

- Tu peux me ramener mon carnet avec un crayon, s'il te plaît ?

Je lui demande gentiment, car Dieu doit savoir combien de fois on a dû lui donner des ordres dans le passé. Au bruit de ses pas, j'en conclus qu'elle s'est levé pour aller à ma chambre.

- Ton carnet ? Surgit Adam, la tête sorti dehors.

- Oui, mon carnet de dessin, expliqué-je.

- Ah, c'est vrai, se rappelle t-il. Mais.. Tu va bien ?

J'avais oublié qu'un soir, après avoir bu un peu trop de bières, j'avais confié à mon coloc' que lorsque je dessine, c'est que je ne vais pas bien. Donc c'est tout bonnement que je lui réponds :

- Non, pas du tout.

À la nuit tombée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant