CHAPITRE 25

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FLASH-BACK
Seona

- Désolé, votre plainte n'a pas été retenue.

Je répète cette phrase en boucle dans ma tête, et j'accuse le coup comme je le peux.

Ce jour-là, après ce que ma mère m'a fait après le déjeuner, j'ai pris un bus pour me rendre à la gendarmerie. Je n'avais jamais osé, par peur que je subisse encore plus, ou par peur de ne pas être prise au sérieux..
Mais ce jour-là, j'ai pris mon courage à deux mains pour porter plainte contre elle : Marie Mariolli.

En arrivant au commissariat, je me suis demandé si ce ne serai pas mieux de rebrousser chemin. Je suis quand même rentré dans l'enceinte du bâtiment, puis c'est lorsque j'ai voulu faire demi-tour qu'une voix d'homme m'a intercepté :

- Mademoiselle, je peux vous aider ?

J'ai fixé cet homme à l'allure autoritaire, devinant objectivement qu'il était un officier, puis j'ai réussi à articuler :

- Je, je veux porter plainte.

Il a du voir que j'étais sur le point de pleurer, alors il m'a immédiatement emmené dans un bureau.

Il avait l'air compatissant. Son visage était relativement doux et reposé. Je l'imaginais facilement père de famille totalement attachant, avec sa grosse barbe mi rousse/mi blonde, et son gros ventre qui dépassait de son pantalon. Un monsieur ayant donc des enfants, ce qui m'a complètement aidé pour tout dévoilé. Il n'a même pas eu à me poser des questions.
Je lui ai montré la cicatrice de ma brûlure, raconté toutes les fois où elle m'a battue, expliqué notre dispute de ce midi.. Et il m'a dis :

- Je reviens.

« Je reviens » ?
J'aurai déjà dû me douter que c'était mal parti.

Je l'ai donc attendu, puis il est revenu avec une autre personne. Une femme, grande et blonde aussi, à l'allure plus stricte. Je pense qu'elle avait le même âge que ma mère.
Elle m'a posée pleins de questions : « Comment s'appelle tes parents ? Dans quelle école es-tu scolarisé ? Quel âge as-tu ? As-tu des frères et sœurs ? »
Toutes ces questions n'avaient rien à voir avec ma plainte, et je m'en suis rendu compte pendant cet interrogatoire. Ils m'ont laissé repartir avant que je leur donne mon numéro, me disant qu'ils rappelleraient mon père pour la suite.

Pipo.

Je ne comprends toujours pas ce qu'il fallait que je fasse de plus pour que l'on me croit. Je suis jeune, certes, mais pas menteuse.
Maintenant, tout me retombe dessus. Ou du moins, pas vraiment.

Quand je suis rentrée ce soir-là, j'ai couru directement jusqu'à ma chambre. Je savais bien que la police préviendrai ma mère. Je n'étais pas bête.
Alors je me suis allongée sous mon lit, en attendant que ses pas viennent me trouver. Je suis restée deux bonnes heures là-dessous, et je crois que je me suis assoupie.
Je le regretterai toujours.

J'ai été réveillée par des cris. Je suis alors sortie de là où j'étais, et j'ai entre-ouvert la porte de ma chambre. D'ici, je pouvais distinguer le salon. Bien sûr, ma vision était limité, mais ce qui m'importait était de pouvoir au moins entendre ce que hurlaient mes parents.
En tendant mon oreille, je n'arrivais qu'à comprendre des bribes de conversation :

- ... Peut être que toi ! ...... Rendu au ...... Porté plainte contre moi !

J'ai vite compris que c'était mon père qu'elle accusait d'avoir porté plainte.
Et là, j'ai su que j'avais faire la plus grosse erreur de toute ma vie.

Soudain, un bruit. Puis du silence. Encore un. Et encore du silence.

Je me suis précipité dans le salon, dégringolant les escaliers à toute vitesse pour intercepté le pire.
Arrivée tout en bas, je suis resté figée devant cette scène : mon père assis par terre à côté du canapé, se cramponnant à la table basse en fermant les yeux, et ma mère avec une spatule de cuisine en ferraille dans la main, face à lui.

Elle lui a fait ce qu'elle me fait.
Bordel, elle le frappe aussi !

Je ne savais pas comment réagir, alors j'ai couru pour rejoindre l'extérieur. Je suffoquais, je pleurais trop. Il fallait que je respire, que je m'éloigne de cette maison.
Finalement, j'ai passé toute la nuit dehors, à dormir sur un banc dans le parc à côté de la maison. Il faisait froid, j'avais faim, j'étais apeurée, j'étais choquée. Et j'ai abandonné mon père. Qui a pris les coups à ma place. Par ma faute.

Le lendemain, c'est mon père qui est venu me chercher.
Le silence était pesant dans sa voiture, même la musique était absente.

Lorsqu'on est rentrés, il m'a forcé à prendre une douche. J'ai refusé. Puis j'ai passé le reste de la semaine dans mon lit, sans même aller en cours, attendant malgré tout une réponse de la police. Je n'arrêtais pas d'espérer que mon père ait témoigné, ou bien que la police se rende compte de mon honnêteté. Au lieu de ça, je viens tout juste de recevoir un pauvre appel qui n'a même pas duré une minute, tout ça pour me dire que je n'avais aucune preuve tangible contre elle, si ce n'est que c'était ma parole contre la sienne. J'ai pensé à parler de mon père et de ce que j'ai vu, mais je me suis rappelé ce qu'il s'était passé quand elle a cru que c'était de lui que venait la plainte.
Alors j'ai seulement acquiescé et raccroché.

Nous n'allons jamais sortir de l'enfer, le paradis est bien trop loin.

À la nuit tombée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant