CHAPITRE 12

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Seona

Pourquoi savoir qu'il est au courant de la vérité me fait autant de bien ?

Je repense à ma mère quand elle est entré dans les toilettes, ainsi qu'aux mots qu'elle a employée : « tu n'es qu'une ratée, tu n'aurai jamais dû partir », m'a t-elle dit avant de me foutre une gifle, qui a suffi pour que Gabriel l'entende de l'extérieur. J'étais tellement embarrassé, paralyser par la peur qu'il découvre ce que je cache. Cette vie dans laquelle je suis enfermé, où mes sentiments sont emprisonnés dans des cases, avec l'impossibilité de s'échapper.

J'ai toujours pensé qu'on aurait pitié de moi si j'en parlais, mais étrangement, ce n'est pas ce que Gabriel avait l'air de ressentir. J'ai ressenti de l'aide, une douceur inattendue, de la demande d'explication pour m'accompagner dans l'ouverture de mes ailes, si jeunes et fragiles.

Il ne m'a pas jugé, et c'est bizarre à dire, mais la façon qu'il avait de me tenir la main m'a beaucoup trop perturbé. Au point de ressentir quelque chose. Une vague rose d'attachement, à l'odeur de son parfum, mélangé d'eau salée et de sable frais, sentant la délicatesse de Gabriel. Une vague sereine, qui s'allonge sur ma peau après son passage.

Je ne me contrôle pas, et ce n'est pas bien, mais il est là. Depuis des années, il y a enfin quelqu'un.

Il n'a rien fait de spécial, mais il est présent. Et ça suffit à donner des choses à mon cœur, que je pensais inexistant, depuis aujourd'hui.

Gabriel ne m'a rien dit de plus après que je me sois énervée contre lui. Il m'a seulement caressé la joue, puis je me suis allongé, et c'est avec mes cheveux qu'il a fini par jouer.

J'ai apprécié longtemps, jusqu'à ce que j'ouvre les yeux afin de constater que le noir de la nuit les remplissais, rejoint par la lune, éclairant la mer bleue marine. Ses doigts étaient toujours dans ma chevelure, comme si le temps s'était arrêté.

Je lui ai demandé de rentrer, il a hoché la tête et nous sommes allés à sa voiture.

Une fois arrivé à la résidence, j'ai couru à la douche, le voyant s'allumer une cigarette sur le balcon.

C'est maintenant que je suis dans le canapé, laissé en mode « lit », que je songe à tout ça.

Gabriel est à son tour dans la salle de bain, et ça doit faire une bonne heure qu'il y est. Je m'inquiète un peu. Je sais très bien qu'il ne dira rien à Adam, vu qu'il n'a rien dit pour ma nuit à l'immeuble. Mais ce qui me préoccupe, c'est l'évolution de notre relation : va t-il changer avec moi ?

Je le connais depuis peu, mais malgré tout, j'ai l'impression d'avoir ressenti plus de choses en quelques jours que dans toute ma vie. Est-ce que c'est mal de croire qu'il me plaît vraiment, après ce qu'il vient de se passer ?

J'ai limite l'impression de n'avoir retenu que ce moment suspendu entre nous, alors qu'à la base, c'est le fait que ma mère soit venu qui me troublait le plus.

- Tu va mieux ? Sonne une voix, suivi d'un corps surgir à l'entrée du couloir.

- Oui, dis-je tranquillement. Tu as faim ?

Il est 00h42, et j'ai les crocs.

- Un peu, avoue t-il.

- Je vais nous faire des pâtes, déclaré-je.

Il s'avance à la cuisine avant moi, et ouvre un placard pour y trouver une casserole. Il la remplie d'eau, puis la met sur le feu.

- Va t'asseoir, je vais faire à manger.

Je n'ai pas l'habitude de rester là, à regarder les autres s'occuper. Alors par réflexe, je rétorque :

- Non, je vais t'aider.

Gabriel se poste devant moi, et ma respiration s'accélère. Il a ce don de me figer sur place.

Je lève les yeux pour regarder les siens, et à mon plus grand étonnement, il sourit.

- S'il te plaît Seona, laisse-moi faire.

- Pourquoi ? Interviens-je.

- Parce que pour une fois, tu va attendre sagement les pieds sous la table que ton repas arrive. C'est compris ?

Il me donne des ordres sans être brusque, et bordel, il allume en moi les flammes éteintes depuis toujours.

Je m'éloigne de lui à contre-cœur, retournant au canapé.

- Ah, et aussi, m'interpelle t'il, je te laisse mon lit cette nuit.

- Pourquoi faire ?

- Tu as besoin de sommeil, signale-t-il en remuant les pâtes. Tu travaille demain.

Je ne vois pas en quoi dormir dans sa chambre va changer quelque chose sur mon sommeil, mais soit, j'accepte. De toute façon, ça ne sert à rien de le contredire, puisqu'il va avoir le dernier mot dans tout les cas.

Je ne répond alors tout simplement pas, attendant mon repas avec impatience.

Il revient dix minutes plus tard avec mon assiette de pâtes, enrobée d'une crème aux épices et aux émincés de poulet. Je dévore l'assiette rapidement, puis me cale contre le clic-clac après ça.

- Ouf, soufflé-je en touchant en mon ventre. J'ai bien mangé.

Gabriel sourit et termine son plat. Sa mâchoire est sculpté, son semblant de barbe camoufle légèrement la peau de son menton, et je remarque en l'analysant qu'il a de la crème des pâtes dedans, et ça me fait rire.

- Pourquoi tu rigole ? Se retourne t-il subitement.

Je continue de sourire et prend un mouchoir, dans la boîte posée sur la table basse.

- Tu t'en ai mis partout.

Je m'apprêtais à lui tendre le papier, quand il lève sa tête et s'approche un peu trop près de moi, me faisant comprendre que je dois lui enlever moi-même. Je tergiverse vaguement puis nettoie finalement ses poils.

Nos visages sont tellement près l'un de l'autre que j'essaie de ne pas y penser, prêtant attention sur ce que je suis en train d'enlever.
Mais au bout d'un moment, je regrette d'avoir lever les yeux, car son regard me charme, et maintenant, je n'arrive plus qu'à me focaliser sur une seule chose : ses lèvres. Je reste stoïque, et lui aussi, pendant ce qui me paraît un long moment, quand son visage se rapproche dangereusement du mien.

Putain, il attend que je l'embrasse ! J'ai envie de l'embrasser moi aussi, de sentir ce que ça doit être de faire ça. Mais j'en suis incapable.

Alors je tourne la tête, déposant le papier sur la table basse, me levant afin de laver mon assiette dans l'évier de la cuisine. Du coin de l'œil, je le vois bloqué, les yeux dans le vide.

Et si j'avais ruiner ma seule chance de découvrir le goût de ses lèvres ?

À la nuit tombée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant