CHAPITRE 39

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Seona

Nous avons discuté toute la soirée, Adam et moi. Gabriel étant là aussi, mais à l'écart malgré tout en restant sur son téléphone dans la cuisine tout du long. Il me faisait de la peine. J'ai repensé à tout à l'heure, quand nous sommes arrivés sur la tombe de mon père et que je l'ai vu aussi attristé. Mais attristé par quoi ? Par moi ? Par la situation ? Je ne le comprends pas, et en fait, même avec du recul, je me rend compte que je ne l'ai jamais compris. Même si je le croyais.

Adam m'a beaucoup parlé de son père, de mon passé, de ce qu'il sait. Tandis que j'ai un peu plus osée ouvrir mon cœur.

Je lui ai tout déballé. Tout ce qu'il ne savait pas, même ce fameux soir où mon père est parti de la maison en trombe et que je ne l'ai plus jamais revu.

- Il s'est suicidé à cause d'elle, ai-je dit.

- On l'a tous toujours pensé, m'a t-il répondu.

Je ne me rappelle pas de la dernière fois où quelqu'un m'a dit du bien de ma mère.

Car elle n'a rien de bien en elle.

Une profonde méchanceté, un besoin de se sentir supérieur, une volonté de faire du mal sans raison. C'est elle, ma mère. Une génitrice ni plus ni moins, qui m'a seulement fait grandir dans son espace vitale et sous son toit, qui m'a aimé jusqu'à l'âge de mes 8 ans et qui est devenue sauvage à la suite d'un petit accident.

Une semaine avant mes 8 ans (j'étais petite mais je m'en rappelle comme si c'était hier), je suis rentré de l'école à pied. D'habitude, c'est ma mère qui me récupérait, mais ce jour-là, elle n'était pas venue. Je crois qu'elle avait été retenue au boulot, ce qui est plutôt rare vu que c'est elle la patronne de sa boîte, mais soit. Mes parents m'avaient toujours expliquer que si jamais aucun des deux m'attendaient à la sortie, je pouvais rentrer par moi-même.

Maintenant que j'y pense, je me demande comment les professeurs ont pu laisser une gamine de 8 ans rentrer seule..

J'avais au moins bien 40 minutes de marche jusqu'à la maison.

En m'enfonçant dans les ruelles, j'ai fais la classique que les gamins font : me perdre. Je passais devant des maisons, de plus en plus resserrés, essayant de me rappeler le chemin. Ça m'était déjà arriver de revenir chez moi sans l'aide de personne, et je ne m'étais jamais perdu. Les gens dans la rue me dévisageaient, normal. Quels parents laissent leur enfant aussi jeune rentré un soir d'école ?

Et puis, avec la peur, j'ai souhaité atteindre la route dans l'espoir de peut-être m'y retrouver. J'ai traversé en dehors du passage piéton, dans un virage. Je ne me souviens plus vraiment des évènements après : je me suis réveillé sur le goudron, allongée face à des pompiers en tenue rouge et jaune. Ensuite, tout s'est enchaîné, mais je n'ai pas eu de séquelles. Seulement le choc de m'être fait percutée par une voiture qui a freinée à la dernier minute, entraînant un malaise. Ils m'ont tout de même garder la nuit au cas où, puis je suis rentré chez moi le lendemain. Mon père a eu la trouille de sa vie, il s'en ai voulu alors que c'était même pas à lui de venir me chercher.

Par contre, ce jour-ci, ma mère n'a pas été contente. Elle a commencé à m'engueuler, me crier que je n'aurais pas dû partir seule, que j'aurai du l'attendre, et que j'aurai pu ne pas traverser la route. Mais que peut répondre une petite fille de 8 ans qui a flippé ? Rien. J'ai rien dit.

Et depuis ce jour, quelque chose s'est cassé avec elle. Et avec mon père.



J'ai toujours les paupières closes quand je me rappelle ces évènements, dans le lit de la personne que je veux faire sortir de ma vie à contre-cœur.

Gabriel m'a laissé sa chambre et tout ce qu'il va avec, puis je n'ai pas essayé de rétorquer quoi que ce soit : je suis allée m'installer ici, et l'ai laissé seul dans le salon. Je ne sais même pas si Adam et lui ont discutés, mais je préfère ne pas le savoir. Je dois m'éloigner de lui. Peut-être que ma réaction l'empêchera de faire ce qu'il comptait faire : faire la misère à ma génitrice.

Je suis toujours blessée par son comportement, par ce message de sa sœur qui n'a même pas lieu d'être, mais je me force à ne pas être en boucle là dessus.

Quelque chose de plus intriguant m'interpelle depuis tout à l'heure : le bracelet à mon poignet.

S.M

C'est la seule chose qui y est écrit à l'intérieur.

Mes initiales, que mon papa portait toujours sur lui. Même lorsqu'il est mort.

Du coup, la question que je me pose est : comment cette gourmette a bien pu atterrir sur sa tombe, si son corps à été brûlé avec sa voiture ?

Je me souviens que mon père ne l'enlevait jamais. Car c'est un cadeau que je lui ai fais quand je travaillais avec lui. Grâce à ma toute première paye en tant que vendeuse dans sa bijouterie.

Ma mère avait réussi à récupérer l'intégralité de mon argent, mais mon père en avait un peu sous le coude. Il m'avait filé 400 euros en liquide, et avec ça, je lui ai offert ce cadeau en remerciement. Il ne l'a jamais quitter depuis.

Alors cette histoire de bracelet argenté hante mes pensées.

D'autres choses me turlupine : les réactions de Gabriel. Le fait de s'en prendre à ma mère, de pleurer sur la tombe de mon père, de me demander sans arrêt de lui expliquer comment est arrivé son accident, sa façon d'être si mystérieux quant à celui qu'il a eu avec Mélina..

Mais il faut que je dorme, je réfléchirais mieux après une bonne nuit de sommeil.

*****

Je n'arrive pas à dormir depuis deux heures. Je rumine et réfléchis beaucoup trop.

Toutes ces histoires m'obsède, et je décide d'envoyer un SMS à Leslie :

Moi 1H43 -

Coucou, dis-moi j'ai une question. L'accident de

Gabriel et sa sœur, c'était quand ?

Je ne sais pas ce que je fais, mais je le fais. Cette question m'obsède depuis 150 minutes.

Presque aussitôt, mon téléphone vibre.

Leslie 1H44 -

C'était il y a deux ans je crois, mais il

n'aime pas trop en parler..

À la nuit tombée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant