CHAPITRE 10

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Mes pupilles fixant Gabriel me ramènent à la réalité : je vais passer ma soirée seule avec lui.

C'est dur de se dire ça, sachant que notre pseudo-amitié est en train de débuter. A moins qu'il fasse comme souvent, c'est-à-dire rejoindre sa sœur et me laisser là. Le problème, c'est que j'ai peur qu'il parte. Et même si ça avait été Adam, ça aurait été pareil : je déteste être seule.

Toute ma vie je suis resté enfermer quelque part, y compris dans mon propre corps. Ce corps qui a tant subi, qui pour moi sert plus de punching-ball qu'autre chose.

Il est hors de question que je reste ici, sans personne avec moi.

- Bon bah.. Marmonne Gabriel en se grattant le bras. On va devoir rester tout les deux.

Ça me soulage de l'entendre dire ça, car je n'avais pas vraiment envie de le supplier.

- Ouep, dis-je l'air de rien. Ça te dérange ?

- Non, t'inquiète. T'a un plat à préparer, il me semble.

C'est vrai, il a raison. Je m'apprête à lui répondre, quand il me coupe dans mon élan :

- Tu voudrais pas qu'on aille boire un verre au bar plutôt ? Je connais des amis qui se retrouvent ce soir, et ils m'avaient proposé de venir alors..

Je le regarde, dubitative. Moi qui ne voulais pas être accompagné de ma solitude, il me demande de venir avec lui entourer d'au moins une centaine de personnes.

- Ok, si tu veux, déclaré-je.

Il a l'air content que j'accepte sa proposition, et en même temps, je n'ai pas trop eu le choix. C'est soit ça, soit être seule.

Soudain, sa mine moqueur et joueur reprend le dessus :

- Par contre, t'y va pas habillé comme ça, me zieutes t-il.

Mes yeux s'abaissent sur mes vêtements, comme une gamine à qui on dis qu'elle a une tâche sur le tee-shirt.

- Je n'ai pas beaucoup de vêtements, avoué-je timidement.

- Fais-moi voir ta garde-robe, m'ordonne t-il.

Son ton sûr de lui et directif m'excite un peu, je dois le reconnaître.

- Va voir tout seul, joué-je.

Il sourit fortement, puis frotte son index sur ses lèvres. Sa langue humidifie sa bouche, et je me retiens pour ne pas qu'il remarque que je l'ai vu.

- T'es sûre ? Me provoque t-il alors.

Je souris en me rendant compte de ce que je suis en train de faire. Pourquoi il m'excite à ce point tout à coup ?

Il s'avance doucement jusqu'à l'une de mes valises, posée jusqu'alors à côté du canapé.

Je contemple ses fesses déambulées jusqu'à elle, pour l'ouvrir avec précision.

Je sais que dans la pochette de gauche s'y trouve mes petites culottes, les seuls vêtements qui me permettent de me mettre en valeur.

Ses yeux s'arrêtent sur cette fameuse pochette, puis fouille le côté droit.

- Tiens, met-ça ! Crie t-il en me balançant en pleine figure une robe noire.

Je me concentre un instant : est ce que je viens de me faire des films, là ?

- Qu'est ce que tu attends ? Lance t-il. Va t'habiller.

Je m'exécute sans broncher et rejoins la salle de bain.

Après m'être vêtue de cette longue robe et attaché mes cheveux en chignon, je retourne au salon. Lui aussi s'est déjà changer : pantalon noir et tee-shirt rouge. C'est la première fois que je le vois bien habillé, bien que ses survêtements lui vont aussi.

Je me pointe devant lui, me sentant bête, quand ses yeux disent autre chose. Je constate ses iris descendre de bas en haut, me reluquant avec gentillesse, et peut-être un peu de surprise, je ne sais pas.

- Wow, lâche t-il seulement.

Je rougis puis le contemple à mon tour. Sa barbe de quelques jours a l'air douce, tout comme la peau de son cou. Ses yeux noisettes brillants qui ne me lâchent pas m'hypnotise : comment un homme aussi beau peut se retrouver devant moi, à cet instant précis ?

- Autre chose.. Reprends-je. Je n'ai pas de parfum non plus.

Je me doute qu'il ne veut pas avoir honte de moi devant ses amis, et qu'arriver en ne sentant pas bon pourrai le déranger.

- Va te mettre de mon parfum, m'oblige t-il.

Je cours presque jusqu'à la salle de bain pour m'asperger de ce liquide qui sent bon, qui sent lui.

Il doit me prendre vraiment pour une fille négligée, entre ça et le peu de vêtements que j'ai. Et puis, il y a une chose à laquelle il n'a pas dû penser aussi, c'est que je vais devoir mettre mes baskets pourries.

Mais je ne saurai pas vraiment expliquer pourquoi, je ne suis pas tant gênée que ça avec lui. C'est comme si je pouvais ressentir ce que je voulais à ses côtés.

En revenant, je constate qu'il m'attend toujours, ses clés de voiture à la main, mais cette fois-ci devant la porte.

Il me laisse passer devant, alors je récupère mon sac à main et mes baskets, puis avance devant lui.

Je suis presque sûre qu'il renifle mon odeur, donc je fais exprès de passer lentement.

Il referme la porte, et nous sortons de la résidence.

*****

Nous avons été silencieux dans sa voiture.
Quand nous sommes descendus de sa Peugeot grise, la chaleur du mois de juin a embaumé mes narines.

Un bar rétro nous accueille et cette fois-ci, sur la terrasse, Gabriel s'avance en premier.

Un groupe de 3 personnes sont autour d'une table, un verre à la main :

- Tiens mon Gab' ! Hurle un homme, serrant ensuite la main de Gabriel.

Je suis réellement gênée derrière lui, quand l'une des deux filles baissent ses lunettes de soleil :

- T'es qui, toi ?

Je souris de panique, puis Gabriel prend immédiatement la parole :

- Elle s'appelle Seona, c'est la cousine de mon coloc'.

- Waw, j'adore ton prénom ! S'exclame l'autre fille, le regard plus chaleureux que la première. Qu'est ce que ça signifie ?

Elle recule la chaise à sa droite, m'invitant à m'y asseoir. Je contourne le monde et m'y installe :

- Ça veut dire « Dieu fait grâce », raconté-je. C'est mon père qui l'a choisi.

Gabriel, qui s'est assit en face de moi, pose brusquement son regard sur le mien, en le soutenant.

Ça me fait plaisir qu'il prête attention à moi quand je parle de lui, alors je cligne des yeux, en espérant qu'il comprenne le message que je veux lui faire passer.

La serveuse arrive, et prend notre commande :

- Deux diabolo grenadine, déclare Gabriel.

Il choisi pour moi, maintenant ?

Intérieurement, le sentiment d'habitude me dérange. On as toujours pris les choix à ma place, mon avis n'a jamais été important. Et inconsciemment, il reproduit ce qu'on a toujours fait avec moi.

- Non, je vais vous prendre une bière, interviens-je.

Je sens son incompréhension, mais je m'en fous.

C'est après avoir reçu nos verres et discuté de longues minutes avec Leslie, la fille qui m'a gentiment mise à l'aise dès le début, que je remarque du coin de l'œil une personne que je pourrai connaître entre milles rentrer dans l'enceinte du bar.

Ma mère est là, scrutant les gens un par un.

À la nuit tombée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant