CHAPITRE 28

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Seona

- Bonjour ma petite, vous allez bien ?

La voix de l'homme âgé que j'avais aidé avec ses courses quand je suis arrivée ici me sort de mes pensées.

-Bonjour ! Dis-je. Désolé, je ne vous avais pas vu !

Il sourit, rentre dans l'ascenseur et son expression se détend. Ses paupières sont vieillies par le temps et sa peau est fripée. Ça me fait immédiatement penser à mon père : j'aurais aimé qu'il devienne ce genre d'homme. Vieux, aimant, heureux, et soulagé. Un vieil homme qui aurai connu ses petits-enfants, qui m'aurai tendu la main à chaque épreuve, qui m'aurait soulevé après mes chutes. Mais malheureusement, je chasse vite cette idée de ma tête.

Car ça n'arrivera jamais.

- Tout va bien ? S'inquiète t-il alors que je me cramponne à la paroi de l'ascenseur.

- Oui, oui ça va, le rassuré-je. J'ai seulement très chaud.

Et c'est la vérité. Je suffoque dans cet espace étroit.

Les portes s'ouvrent enfin et l'homme s'avance, la canne à la main :

- Vous en êtes sûre ?

Je m'apprêtais à lui répondre mais cette chaleur brûle mes yeux, et soudain, je vacille. Mon corps se heurte à la paroi avant de tomber le cul par terre. Mon dos me fait mal, ma tête aussi.
J'ai l'impression que je vais tomber dans les vapes.

- Venez avec moi, m'oblige le vieux monsieur.

Je lui donne ma main sans appréhension et le suit jusqu'à son appartement. Lorsqu'il ouvre la porte, une odeur de vanille asperge mon nez. Je ne me concentre pas trop dessus vu le mal de tête que j'ai, puis m'assoit à la table.

Il sors de son congélateur un sachet d'haricots verts surgelé pour me le poser directement sur mon front. J'accueille ce geste et dépose mes mains sur le sac froid pour le tenir moi-même.

Son sourire légendaire et ses cheveux gris bien peigné me font de l'œil.

Cet homme m'inspire confiance.

Il nous sert deux verres d'eau et les dépose face à nous, prenant lui aussi place sur une chaise à côté de moi.

- Vous êtes la nouvelle copine du petit gars au dessus ? Me demande t-il. J'ai toujours cru qu'il aimait les hommes..

Je pouffe de rire à sa question, et rétorque :

- Ah non, c'est mon cousin en fait. Il s'appelle Adam.. Et oui, il est gay.

- Je m'en doutais ! S'exclame t-il.

Je suis heureuse de voir qu'il est ouvert d'esprit. Les anciennes générations sont souvent les moins compréhensibles à ce sujet.

- À moins que vous parliez de son colocataire..

- Son colocataire ? Me questionne t-il.

Je hoche la tête en buvant le verre d'eau, puis il rajoute :

- Le grand bonhomme aux cheveux court ? Il fume souvent une cigarette en bas de l'immeuble le soir.

- Oui, ça doit être celui-là. Vous êtes une bonne commère ! Je le taquine.

Il bouscule mon épaule avec sa main moite pour me chambrer et je souris.

- Je suis désolé de vous embêter avec mon mal de crâne.

- Ne dîtes pas de bêtises ! Vous pensez bien qu'en vieux croûtons comme nous, on s'embête la journée. Disons que vous m'occupez un peu.

- Où est votre femme d'ailleurs ? M'inquiété-je.

Il fixe une porte près du salon, puis retourne à moi :

- Elle dort dans notre chambre.

Il semble hésiter avant de se lancer, mais me chuchote quand même :

- Elle est malade.. Elle a besoin de beaucoup de sommeil.

- Je suis désolée, murmuré-je.

Il tapote ma main laissée sur la surface, et ce simple mouvement d'affection remplie mon cœur.

- Vous faisiez quoi, en ce dimanche matin ?

J'adore le fait qu'il ne passe pas par quatre chemin pour s'intéresser à ma vie. Et même si j'ai peur qu'on en vienne au sujet qui fâche, cela fait très longtemps que je n'ai pas parlé avec un adulte sans qu'il me prenne pour une menteuse ou une timide coincée.

- Je travaillais, assumé-je simplement. On est ouvert le dimanche pour les vacances scolaires.

- Laissez-moi deviner.. Vous êtes vendeuse à Nocibé ?

Surprise, je lâche :

- Comment le savez-vous ?

Il ricane légèrement avant de pointer du doigt mon tee-shirt :

- Votre badge.

Je baisse les yeux sur ma poitrine et effectivement, mon badge du magasin avec mon prénom y est encore accroché.

Je me disais bien que j'avais oublié quelque chose en partant..

- Seona, alors.

Il me tend sa main pour que je la serre, puis je lève le menton dans l'attente qu'il me dise son prénom en retour :

- Pierre.

- Enchantée, prononcé-je.

Je retire gentiment le sachet frais de ma tempe pour le lui rendre :

- Merci beaucoup pour votre aide Pierre, je pense que je vais rentrer chez moi.

- Vous habitez ici, du coup ? Enfin je veux dire, c'est de votre volonté ?

- Je crois bien, oui. Mon cousin a accepté de m'héberger et puis..

Je ne termine pas la fin de ma phrase car en me relevant pour aller à la porte, j'ai senti le corps de Pierre se raidir. Je me retourne alors pour remarquer qu'il se gratte l'intérieur du bras et semble soudain vraiment mal à l'aise.

- Vous allez bien ? Le sollicité-je.

- Je dois vous dire quelque chose.

- Dites-moi, je l'implore.

Il soupire.

- Une dame m'a intercepté ce matin quand je suis parti chercher le courrier. Elle avait l'air bizarre.. Elle m'a dis qu'elle cherchait quelqu'un, une jeune fille brune au cheveux longs, qui s'habillait souvent en noir, âgée de 22 ans je crois, quelque chose comme ça. J'ai vite compris qu'il s'agissait de vous.

Je crois que je vais tomber dans les pommes.

- Elle vous a dit quoi d'autre ?

- Apparemment vous auriez fuguer de chez elle, m'a t-elle dit.

Je prend ma tête dans mes mains le plus calmement possible pour me réveiller de ce cauchemar.

- Je lui ai dis que vous viviez avec ce garçon, votre cousin donc.

Ses doigts caresse mon omoplate tandis que je réfléchis à ce qui va bien pouvoir se passer maintenant.

Ni une ni deux, et sans lui dire quoi que ce soir, je pars de chez lui.
Je dévale les escaliers qui semblent si facile à emprunter pour arriver à l'appartement.
Je constate dans mon champs de vision que la porte est grande ouverte, sans un bruit.

Je n'ai pas eu ce vertige par hasard. C'est le destin qui m'a empêché d'aller dans notre logement. Elle est là.

Cruella m'a retrouvée.

À la nuit tombée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant