À la nuit tombée

CHAPITRE 70

Gabriel

- Donc tu n'es au courant de rien ?
Putain, je crois que j'ai fais une boulette.

J'ai à peine émis le fait que sa mère sortait avec un autre homme, que Leslie a levé ses sourcils, faisant ressortir ses gros yeux verts globuleux de leurs paupières.

- Non ! S'écrie t-elle. Et je l'apprends par toi, en plus !

Je sirote mon coca sans trop savoir quoi lui dire, puisque c'est vrai, ça n'aurait pas dû être à moi de lui annoncer cela, de but en blanc.

- Ma mère sort avec un mec, répète t-elle en boucle, ne voyant même pas que la fille sur la table d'à côté écoute notre discussion depuis tout à l'heure.

Au vu de la situation, pour une fois, je me félicite de ne pas en avoir dévoilé davantage. En effet, je l'ai abordé subtilement. Quand je suis arrivé, nous avons commandé nos boissons et quasiment instantanément, ma meilleure amie m'a demandé ce que j'avais à lui dire. Alors, je ne suis pas passé par quatre chemins, et j'ai essayé de prêcher le faux pour avoir le vrai. Je l'ai provoqué en lui disant : « Et tu comptais me le dire un jour, pour ta mère et son nouveau mec ? ». Ce à quoi elle m'a répondu par son faciès.
Ses sourcils levés et ses gros yeux verts globuleux.

Finalement, elle est au courant que d'une chose sur les deux. Et ce n'est pas moi qui lui en informera pour la deuxième.

- Écoute, je tente de calmer son désarroi. Le mieux, c'est que t'en parle directement avec ta mère. Ça n'aurait jamais dû sortir de ma bouche.

- Si, répond-elle du tac au tac. T'es mon meilleur ami, c'est logique que tu sois venu m'en parler.

Je continue de boire mon soda jusqu'à ce que j'aspire l'air du fond du verre avec ma paille. Une fois le récipient déposé, je me sors une cigarette de mon paquet qui a était disposé sur la surface, quelques minutes plus tôt.
Leslie me scrutes, comme si elle attendait que je parle plus, mais je n'en fait rien.

- Explique-moi, me supplie t-elle.

- Non, je suis désolé. Ce n'est vraiment pas à moi de t'en parler.
Vraiment pas !

En tirant une latte, je respire la chaleur de la clope pour la relâcher en l'air.
Ma meilleure amie se met à fouiner son téléphone, quand le mien vibre. Je le sors de ma poche, puis regarde le message que Seona m'a laissé :

Seona – 21h02
J'ai hâte que tu rentres,
j'ai un truc à te raconter.

Un truc à me raconter ?

Moi à Seona – 21h03
Oula, tu as appris que
Dumbledore mourrait
à la fin d'Harry Potter ?

Je souris comme un con devant mon portable, et Leslie souffle comme un buffle devant moi.

- Appelle-la, je propose en comprenant que c'est à cause de moi qu'elle soupire à ce point.

- Je préfère lui en parler en face, dit-elle sèchement.

Elle est en rogne. C'est rare, venant d'elle.

- Tu préférerais que je vienne avec toi ? Je lui soumet l'idée, pour tenter de la rassurer comme je peux.

- Non.. Pourquoi ? S'étonne t-elle. Tu as un rapport avec son mec ?

Elle me fusille du regard, tellement fortement que je n'ose pas la quitter des yeux sous peine qu'elle appuie sur la gâchette. Je ne l'ai jamais vu aussi féroce qu'aujourd'hui.

- Je ne peux rien te dire, putain, Leslie !

J'ai essayé de prendre un ton calme, bah je me suis planté.

- Arrête de m'engueuler, et mets-toi à ma place cinq minutes.

- Oh c'est bon, je soupire. Elle a le droit de refaire sa vie, non ?

Elle se gratte activement le poignet, comme si ça la démanger de l'intérieur et que le seul moyen de faire passer la douleur était de se gratter la peau pour de vrai.
Quand j'écrase ma clope, mon portable vibre encore.

Seona – 21h10
Ah ah ah très drôle !
Tu verras en rentrant..

Sous le message, elle m'a transmis une photo. Une image que je me force de ne pas ausculter, puisque c'est tout simplement une partie de son.. corps. Que j'aime beaucoup.

- T'a fini ? M'interrompt Leslie.

- Pardon, je me reprend. Tu disais ?

Elle souffle.

- Laisse tomber. Je vais rentrer, ça ira mieux.

- Non, attend ! Je l'arrête alors qu'elle s'est levée, nous retrouvant debout en plein milieu de la pièce. Tu es sûre que ça va aller ?

Ses iris devenus beaucoup plus foncés m'attendrissent, alors qu'elle lâche plus simplement :

- Avec moi, ça va toujours.

Puis je lâche son bras, et la contemple marcher jusqu'à fermer la porte derrière elle et ne plus l'avoir dans mon champ de vision. Je m'affaisse donc sur ma chaise, puis stoppe un serveur en lui demandant un autre coca.

Je sais que ma meilleure amie est triste, et moi, je la néglige à cause d'une photo de paire de seins. Je suis vraiment le roi des cons.

Le serveur me ramène mon soda peu de temps après, quand en même temps, la porte du bar se claque. En posant les yeux sur mon verre couronné d'une tranche de citron sur le côté droit et de ma paille verte pomme, je ne distingue même pas qui vient de débarquer derrière l'homme qui m'a servit ma boisson. La personne prend place où Leslie était il y a quelques minutes, puis joue avec la languette de son sac à main en le posant sur ses genoux.

- Bonjour Gabriel, me sourit Marie.